De violentes échauffourées ont opposé la semaine dernière, à Ziguinchor, des partisans du leader du parti Pastef, Ousmane Sonko, à ceux de Doudou Ka, un des responsables locaux de l’Alliance pour la république (Apr). Des blessés ont été enregistrés et les condamnations de ces violences ont légitimement fusé de toutes parts.
En effet, l’indignation a été forte, car il ne saurait être acceptable que les batailles politiques soient arbitrées à coups de sabre, de machette ou de toute autre arme létale. Seulement, il importe, pour juguler de tels fléaux, de toujours situer les responsabilités des différents protagonistes, pour que de pareils méfaits ne se reproduisent. On ne le dira jamais assez, la non-dénonciation d’actes de violence commis par un camp politique pourrait justifier toujours des ripostes ou réactions tout aussi violentes. Il s’y ajoute que certains acteurs politiques peuvent verser dans la provocation et c’est bien ce qui semble s’être passé à Ziguinchor.
Est-ce qu’on s’est demandé où les incidents forts regrettables s’étaient déroulés ?
Justement, les heurts et autres bagarres sanglantes se sont déroulés devant le domicile privé de Doudou Ka, qui ne se trouve pas sur un passage obligé d’un cortège de Ousmane Sonko ou même une rue très fréquentée. Le séjour de Ousmane Sonko à Ziguinchor, où il était arrivé quatre jours auparavant, se déroulait sans encombre. Il menait ses contacts et ses déplacements dans la ville sans gêner personne et personne n’y avait non plus trouvé à redire, jusqu’au jour où il a décidé d’improviser un rassemblement devant le domicile de Doudou Ka. Il ressort des révélations faites par les différents médias, que les militants de Pastef, qui s’étaient subitement déplacés en masse, avaient voulu faire une démonstration de force et criaient des slogans hostiles à leur adversaire politique et à son camp. C’est ainsi que des jeunes voisins de Doudou Ka, qui habitent le quartier de Boucotte, sont sortis en masse pour protéger le domicile de leur responsable politique ou voisin. On se rappelle qu’au mois de mars 2021, il avait fallu la mobilisation de ces mêmes habitants de Boucotte pour sauver la maison de Doudou Ka, qui était la cible de hordes de manifestants de Pastef. La maison avait essuyé quelques jets de pierres car la détermination des voisins avaient empêché le pire.
Alors, pourrait-on reprocher à Doudou Ka et ses voisins solidaires de ne pas laisser perpétrer des actes d’attaques violentes contre le domicile familial ?
Ils avaient toutes les raisons pour empêcher la récidive. N’avait-on pas déjà vu que de nombreux domiciles ou propriétés de responsables de l’Etat ou du camp du Président Macky Sall, à Ziguinchor et dans d’autres localités du pays, avaient été attaqués, incendiés, cassés et mis sens dessus-dessous par des partisans de Ousmane Sonko ? Il semble donc logique et salutaire d’empêcher la réédition de pareils forfaits et la loi autorise n’importe quel citoyen à prendre les dispositions nécessaires pour assurer la protection de ses biens et de ses proches.
On peut imaginer que n’eût été la mobilisation dissuasive des habitants de Boucotte, l’irréparable se serait produit au domicile de Doudou Ka, ce jour du 12 octobre 2021.
Il apparaît donc hypocrite de condamner les violences en occultant les actes de provocation répétés dont Doudou Ka et sa famille ont fait l’objet. La réaction, même violente, des personnes qui se sont senties menacées, peut être assimilée à un acte de légitime défense ou, à tout le moins, Doudou Ka et ses proches pourraient bénéficier de l’excuse de provocation. En outre, il demeure dégoûtant que l’indignation soit si sélective. On ne l’a jamais assez dit à travers ces colonnes, que quiconque n’aura pas condamné les violences de mars 2021 perpétrées sur instigation manifeste, publique et assumée de Ousmane Sonko se trouvera mal placé pour fustiger la violence de tout autre acteur politique.
La lâcheté des partisans de Macky Sall qui abandonnent la Casamance à Ousmane Sonko !
Il est étonnant de constater, à l’orée des élections locales du 23 janvier 2022, que rares sont les responsables du parti présidentiel qui osent s’engager pour déclarer une candidature pour briguer une circonscription électorale en Casamance, notamment dans la région de Ziguinchor. C’est comme qui dirait que la décision a été prise de laisser les terres à Ousmane Sonko, pour qu’il fasse de la région son bastion politique inexpugnable. On a même vu un membre du gouvernement, Mme Aminata Assome Diatta Sonko, pour ne pas la nommer, abandonner ses militants de la Casamance, fief politique où elle a toujours milité, pour aller se porter candidate dans la lointaine banlieue
de Keur Massar. Si ce n’est pas une désertion ou une façon d’éviter soigneusement de se battre sur le terrain politique contre Ousmane Sonko, cela lui ressemble bien. Il ne semble pas que Keur Massar avait été déterminant dans le choix du Président Sall de nommer Mme Sonko (maman du bébé Macky Sonko, que le Sénégal est un beau pays !) au gouvernement. Aussi, personne n’a entendu le premier responsable du parti de Macky Sall dans la région de Ziguinchor, en l’occurrence Benoît Sambou, oser afficher ou déclarer une volonté de se porter candidat pour briguer une mairie ou un Conseil départemental. Benoît Sambou tarde véritablement à dévoiler une pareille ambition. Il semblerait même chercher à se faire oublier.
Mais ce sont les derniers violents incidents à Ziguinchor qui finissent de faire tomber les masques. Benoît Sambou s’est départi de tout semblant de solidarité militante pour clouer au pilori son camarade de parti, Doudou Ka. Une première déclaration de Benoît Sambou n’avait pas suffi, qui s’en prenait à Doudou Ka et épargnait «prudemment» Ousmane Sonko et ses partisans, protagonistes des incidents. Mais Benoît Sambou en a rajouté une couche hier dimanche 17 octobre 2021, à travers l’émission Grand Jury de la Rfm, pour dédouaner une fois de plus Ousmane Sonko et accabler Doudou Ka.
Benoît Sambou a risqué une telle prise de position, en opposition manifeste avec des déclarations publiques de son propre parti, l’Apr, qui a eu à apporter un soutien sans équivoque à Doudou Ka. Quels liens, pactes ou autres accords pourraient peser autant sur la conscience de Benoît Sambou pour qu’il choisisse ainsi ouvertement d’aller à l’encontre de son propre camp politique ? En tout cas, les responsables de la coalition de Ousmane Sonko, Yewwi askan wi (Yaw), et nombre de leurs affidés dans la Société civile, n’ont pas eux, hésité à apporter un soutien spontané, grégaire, aveugle et manifeste au leader de Pastef, contre Doudou Ka, tout en ignorant délibérément tout ce qui pourrait être sa part de responsabilité dans la survenue des incidents. Il est assez amusant que je ne compte pas les appels ou messages reçus de personnes indignées par les déclarations de Benoît Sambou au micro du journaliste Babacar Fall de la Rfm ; ces personnes soulignent que de tels propos confortent parfaitement des écrits dans ces colonnes, mettant le doigt sur les dangers d’un clivage ethnique. On ne le répétera jamais assez, un certain pacte anti-républicain et au profit exclusif de Ousmane Sonko se met en œuvre en Casamance.
Il urge, pour les partisans d’un Etat républicain ouvert, consacrant les mêmes droits et privilèges à tous les citoyens, en dépit de leur appartenance ethnique, raciale ou religieuse, de se dresser contre un tel funeste projet.
Il reste que Ousmane Sonko et ses partisans continuent de jouer aux victimes. Ils n’auraient pas la moindre responsabilité dans les violences. Ils se présentent comme étant la cible d’adversaires politiques qui voudraient leur nuire. Bassirou Diomaye Faye, lieutenant de Ousmane Sonko, a franchi le Rubicon pour alerter sur un projet d’assassinat contre son leader, que nourrirait le régime de Macky Sall. Comme toujours, aucune moindre preuve n’est brandie pour étayer de si graves accusations. Avant lui, Bougane Guèye Dany avait dit la même chose. Au demeurant, Ousmane Sonko reste encore le seul responsable politique qui a appelé, devant les caméras des télévisions, ses militants à user de violences «jusqu’à donner de leur vie» pour empêcher que l’action de la Justice ne s’exerce. Cette bravade de Ousmane Sonko a valu un lourd tribut au Sénégal, avec la perte de quatorze de ses fils les 6, 7 et 8 mars 2021, et le leader de Pastef a ainsi eu à engager ses partisans à attaquer les palais de Justice, les forces de sécurité ainsi que des biens et des domiciles de paisibles citoyens. Dans les réactions, on a noté que des acteurs politiques et de la société civile demandent la mise à disposition de forces de l’ordre dans les dispositifs sécuritaires des hommes politiques, pour éviter les débordements. Soit ! Mais on oublie qu’un tel dispositif avait été rejeté par les acteurs de l’opposition, notamment Ousmane Sonko, indexant Aly Ngouille Ndiaye, ministre de l’intérieur à l’époque, de comploter contre lui. Madické Niang était l’un des rares opposants sur cette question à avoir une posture conciliante, et les troubles à Tambacounda entre militants du Pur et de Benno Bokk Yakaar, dont les fautifs sont toujours en prison, lui ont par la suite donné raison !
On peut chercher par toute la force du monde et tous les subterfuges, de tronquer les faits et de s’amuser avec la réalité, mais la vérité a le charme de prendre son temps et de mettre à nu tous les projets. On n’empêchera à personne sur la scène politique de jouer et d’être acteur. Mais les masques ne cessent de tomber avant même que les rideaux ne baissent.