Les travailleurs sénégalais de l’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA) se trouvent au bord du ras-le-bol. En dépit de leurs longues années de service à garantir la sécurité et la fluidité des vols dans le ciel africain, leurs conditions de travail se détériorent de manière inquiétante. Leurs revendications, principalement liées aux arriérés des indemnités de sécurité aérienne (ISA), risquent de perturber gravement le trafic aérien au Sénégal dans les jours à venir. Un préavis de grève a été déposé par l’intersyndicale des travailleurs de l’ASECNA, donnant ainsi un ultimatum aux autorités sénégalaises.
Depuis plus de vingt ans, les employés de l’ASECNA au Sénégal perçoivent une indemnité de sécurité aérienne, censée récompenser les services de contrôle aérien et de gestion du trafic aérien rendus dans le cadre de la souveraineté nationale. Cette indemnité, financée par l’État du Sénégal, est prélevée sur les redevances et ressources nationales générées par le secteur aéronautique. Pourtant, malgré les efforts constants de ces travailleurs pour assurer la sécurité de la navigation aérienne, ces indemnités n’ont pas été versées depuis six mois.
Les autres structures du secteur aérien, comme l’Agence des Aéroports du Sénégal (AIBD SA), reçoivent régulièrement leurs paiements. Cependant, les travailleurs de l’ASECNA, bien que vitaux pour la gestion de l’espace aérien sénégalais et africain, se retrouvent dans une situation de précarité.
Les syndicats, bien qu’ayant épuisé toutes les voies de conciliation possibles, se trouvent aujourd’hui dans une impasse. “Malgré nos multiples démarches auprès des autorités, y compris le ministre du Transport aérien et le Directeur général d’AIBD SA, aucune solution concrète n’a été apportée”, déclare un porte-parole de l’intersyndicale. “La patience des travailleurs a des limites, et il est désormais clair que les autorités ne prennent pas la mesure de l’urgence de la situation.”
Le climat de mécontentement, qui couvait depuis plusieurs mois, a atteint un point de non-retour. Lors d’une assemblée générale extraordinaire tenue le 4 septembre 2024 à l’aéroport de Diass, les travailleurs ont voté à l’unanimité en faveur d’une action syndicale, incluant un préavis de grève. Le 12 mars 2025, l’intersyndicale a officiellement déposé ce préavis de grève, menaçant de paralyser une partie du trafic aérien si aucune solution n’était trouvée avant le 12 avril 2025.
Les travailleurs de l’ASECNA ont des revendications claires et légitimes. Ils exigent le paiement intégral des arriérés de l’ISA, qui s’élèvent à six mois de salaires non versés, une solution pérenne garantissant un paiement mensuel et régulier de l’ISA, l’intégration de l’augmentation liée à cette prime dans les calculs de l’ISA, ce qui est perçu comme un droit acquis, et la résorption du sous-effectif dans plusieurs corps de métier, en particulier parmi les contrôleurs aériens, un secteur déjà fragile et sous pression.
Un des travailleurs, sous couvert d’anonymat, explique : «Nous avons fait notre devoir avec professionnalisme pendant toutes ces années, mais nous avons l’impression que nos autorités nous traitent comme des oubliés. Comment assurer la sécurité des vols dans un tel climat d’incertitude ?»
L’Aéroport International Blaise Diagne (AIBD), la principale porte d’entrée du Sénégal, pourrait se retrouver gravement perturbé si la grève de l’ASECNA est mise en œuvre. Bien que les syndicats assurent que les services essentiels, comme ceux liés aux avions en survol ou à des opérations de secours, seront maintenus, l’arrêt des contrôleurs aériens pourrait entraîner des retards considérables, voire l’annulation de certains vols.
Le secteur aérien sénégalais, particulièrement sensible, dépend largement des travailleurs de l’ASECNA pour garantir la sécurité de son espace aérien. La grève ne concerne pas uniquement le Sénégal, mais pourrait avoir des répercussions à l’échelle régionale, car l’ASECNA gère également la sécurité du trafic aérien dans plusieurs pays africains. En 2023, près de 4 millions de passagers ont transité par AIBD, un chiffre en constante augmentation. Toute perturbation de la navigation aérienne pourrait entraîner des répercussions économiques majeures, affectant les flux touristiques et commerciaux.
La situation au sein de l’ASECNA soulève de nombreuses interrogations sur la gestion du secteur aérien au Sénégal. Comment un secteur stratégique pour l’économie nationale peut-il se retrouver dans une telle crise de confiance avec ses travailleurs ? Des observateurs soulignent que l’inefficacité apparente des autorités à résoudre ce conflit pourrait refléter une gestion bureaucratique déconnectée des réalités du terrain.
Certains analystes, spécialisés dans l’aviation, affirment que les autorités sénégalaises doivent prendre des mesures urgentes pour éviter un impact majeur sur le secteur. “Il est impératif que les autorités négocient sérieusement avec les syndicats pour éviter une crise qui pourrait compromettre la réputation du Sénégal en tant que hub aérien en Afrique de l’Ouest”, affirme un expert en aviation.
Avec un préavis de grève de 24 heures renouvelables à compter du 12 avril 2025, le temps presse. Si les autorités ne répondent pas favorablement aux revendications des travailleurs de l’ASECNA, la grève pourrait avoir un impact dévastateur sur les opérations aériennes à l’Aéroport Blaise Diagne. Ce conflit met en lumière la nécessité d’une gestion plus équilibrée et réactive du secteur aérien sénégalais, particulièrement dans un contexte de mondialisation où les transports aériens jouent un rôle crucial dans le développement économique.
L’intersyndicale des travailleurs de l’ASECNA espère encore que le dialogue et la négociation permettront de résoudre cette crise avant qu’elle n’affecte les millions de passagers qui transitent par le Sénégal chaque année. Toutefois, si rien ne change d’ici le 12 avril, le ciel sénégalais risque de devenir encore plus incertain.