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La victoire du duo Sonko- Diomaye a marqué une vague de joie et d’espoir de la majorité de la jeunesse sénégalaise , notamment ceux de la diaspora et les militants de Pastef. À l’aéroport AIBD, une foule compacte se voyait sur le tarmac pressée de rejoindre le pays, animés par le désir de contribuer avec un espoir très passionnant. Aujourd’hui à peine quatre mois de règne les arrivées sont remplacées par des départs massifs d’une jeunesse pleine de désespoir. Derrière cette effervescence, un problème persistant demeure: l’immigration irrégulière continue de coûter cher à la jeunesse sénégalaise sous un silence décevant et intrigant du gouvernement. 

Depuis des années, ce fléau est au centre des préoccupations sans qu’aucun gouvernement ne parvienne à y apporter une solution durable. Le régime actuel, porté par les promesses flamboyantes de changement, avait éveillé de grands espoirs parmi une jeunesse prête à tout sacrifier pour voir Diomaye et Sonko au pouvoir. Mais aujourd’hui, les désillusions se multiplient alors que les causes profondes, attribuées au régime précédent, ne semblent toujours pas traitées.

Les familles pleurent leurs enfants perdus en mer, tandis que les promesses de réforme s’évanouissent dans le silence assourdissant du gouvernement.

Le désespoir des jeunes sénégalais après quatre mois sans rupture

À peine quatre mois après le changement de régime, l’espoir semble déjà s’effriter pour certains jeunes Sénégalais. Au garage Lat Dior de Sandaga, au marché Colobane, et dans les embouteillages de Dakar, de nombreux jeunes expriment leur désillusion.

Dial Yacine Ndiaye, un mécanicien d’une trentaine d’années, est assis sur un pneu à côté d’un car rapide en pièces détachées. Les mains noircies par l’huile, il discute en appel vidéo avec un ancien collègue expatrié. Il nous invite à écouter cette conversation, preuve de sa détermination à quitter le Sénégal prochainement.

« Je vais quitter le pays, » dit-il à son ami. « Oui bro, viens ici c’est dur, mais c’est mieux que rien… » La conversation se termine en larmes, les deux amis se remémorant leur lutte pour le régime actuel dans les rues de Dakar. Dial confie qu’il fabriquait des cocktails Molotov dans le garage pour soutenir les résistants contre le régime de Macky Sall, espérant retrouver leur dignité dans le pays. « Rien ne marchait, mais on survivait avec les voitures, les clients… »

En écoutant Ousmane Sonko et ses alliés de Pastef à la télévision et à la radio, ils ont cru en un changement. « C’était notre seule alternative. Ils sont jeunes, soucieux de notre avenir. Je les croyais plus que mes propres parents. »

Journaliste : Pourquoi ce désespoir soudain ? Ils n’ont fait que quatre mois, laissez-leur au moins deux ans.

Dial Yacine : « On a compris ici. Depuis leur prise de fonction, il n’y a plus d’espoir. Je ne suis pas seul, d’autres ici pensent pareil, même s’ils ne parleront pas en votre présence. En wolof on dit : “Tchiin bou naré nekh sou bakhé dafay khhhéñ”. Les informations qu’on reçoit, la jouissance du pouvoir par certains jeunes de Pastef, les nominations de complaisance, les discours mensongers… J’ai tout donné pour ce pays lors de l’affaire Adji Sarr jusqu’à la libération de Sonko. Mais maintenant, je préfère mourir en mer plutôt que de vivre ce désespoir. »

Dial Yacine s’éloigne, les yeux rouges, essuyant ses larmes après avoir parlé à son ami expatrié.

Mamadou Dieng, un habitant de la ville, nous confie avec amertume : « ne cherchez pas midi à quatorze heures, la réalité est là. On ne peut plus nous mentir. Moi, qui vous parle, je connais de hauts responsables de Pastef. Aujourd’hui, je ne leur parle plus car j’ai tout vu ces jours-ci. Je regrette amèrement leur élection au pouvoir. L’immigration est une solution. On n’a pas vu le projet, mais l’immigration, on le voit, et on risque pire que d’aller en mer pour ce projet. Donc, on va risquer la mer pour se libérer par la mort ou par la vie de ce désespoir que Sonko et Diomaye nous ont imposé. »

Colobane: la honte et la désillusion intensifient la dictature de la pensée unique 

Non loin du rond-point de Colobane, Mbaye Cissé met en garde : « Il ne faut pas accéder au marché de Colobane si vous n’êtes pas journaliste de Pastef. Vous savez, ici tout le monde a vu et tout le monde est désespéré. Pire, il y a des militants de Pastef entretenus par le gouvernement et d’autres qui croient toujours en ce projet, qui est un pur mensonge. Ils dictent la pensée unique dans le marché et l’intimidation. Il ne faut pas y entrer. J’avais mon espace là-bas, mais avec la dictature violente de la pensée unique lors de nos échanges sur Sonko, j’ai quitté après avoir été poignardé par mon meilleur ami. Je vous dis, personne n’ose parler ici car les gens sont désespérés. La majeure partie des jeunes ont très honte. Ce régime sera pire que celui de Macky ; les politiciens sont tous les mêmes. » confie-t-il, le visage ravagé de sueur.

Témoignages: désillusion et désespoir

Ndeye Fatou Camara, seau en main, vendant des sachets d’eau dans les embouteillages, se confie : « Madame, sérieusement, je vais partir en immigration d’ici deux mois, le temps de réunir la somme qu’on me demande. Ici, tout le monde se prépare. On s’est battu pour Sonko, mais aujourd’hui, on a compris : l’immigration est moins dure que ce qu’on a vécu lors des combats de la résistance ou en prison. J’ai été emprisonnée, j’ai fait trois mois en prison à cause des manifestations, et je ne peux pas vous expliquer ce que j’ai vécu là-bas, car je travaille. » Elle s’arrête là et nous offre deux sachets d’eau avec un sourire très triste.

Mère Madd, à côté de la pharmacie, nous dit qu’il faut arrêter : « Vous savez, ces jeunes sont extrêmement désespérés et doublement violents. Ils étaient violents en discours, mais aujourd’hui, pour un rien, ils se battent ici. Quand nous leur disions d’arrêter les manifestations, que Sonko était dans la manipulation, ils nous insultaient. Mon propre fils m’a reniée à cause de l’affaire Adji Sarr. Aujourd’hui, il est revenu vers moi après des mois de prison. Il ne fait rien, il est à la maison. Je vends, je le nourris, et chaque soir, on discute. Je sais qu’il va essayer d’aller vers l’immigration, mais je ne le lui pardonnerai pas. Je préfère le voir en vie à côté de moi, chaque soir, en discutant avec lui. Le respect et l’amour qu’il me porte me font du bien. Je suis heureuse malgré les difficultés que j’éprouve dans la journée. »

Diatta Kaba, un marchand ambulant heurté par un poteau juste devant la station d’essence, nous confirme que l’immigration est extrêmement en vogue. « Mais le gouvernement n’en parle pas. Le président et son premier ministre étaient les plus bavards du pays. Quand Sonko faisait ses lives sur Facebook, tout le monde l’attendait car on le croyait. Mais aujourd’hui, il refuse de nous donner des solutions alors qu’on lui a donné le pouvoir. Nous avons été manipulés, ça c’est sûr aujourd’hui. Avant, qui m’aurait dit que je me réveillerais un jour sans croire en Sonko ? Jamais je ne l’aurais imaginé. Ici, nous sommes tous désespérés car on a tous vu ce qui se passe actuellement. Donc, mieux vaut aller vers l’Espagne, la France, le Nicaragua ou ailleurs que de rester ici à souffrir doublement. » Il s’éloigne avec un air triste.

Codou Mbaye, une jeune sociologue de l’université Cheikh Anta Diop, nous exhorte à aller en mer pour voir combien ce phénomène est devenu un remède pour les jeunes déçus de ce gouvernement. « La jeunesse et la patience ne riment pas, et les Sénégalais sont de nature fougueuse. Ils ont élu ce duo juste pour se débarrasser du régime précédent, mais aujourd’hui, ils se rendent compte des réalités et de l’inexistence de tous ces projets promis. À mon humble avis, l’immigration doit être au centre des discussions, et ce gouvernement a l’obligation de trouver des solutions efficaces et rapides face à cette jeunesse désespérée. Les jeunes n’ont pas besoin d’attendre deux ou trois ans ; ils savent détecter ce qui va ou ne va pas. Avec tout ce qui se passe actuellement, on sait tous qu’on va voir le pire dans les mois à venir. Alors, pourquoi attendre ? » explique-t-elle, rappelant même qu’à l’UCAD, c’est encore pire. Toutes les mauvaises pratiques de l’ancien régime se voient avec ce nouveau régime. Il n’y a aucune rupture, juste un changement d’hommes, et c’est très dommage.

Lamine Diatta, un jeune banquier sur la VDN, déclare : « Le gouvernement ne parlera pas. Qu’est-ce qu’ils vont dire ? Des mensonges, encore des mensonges ? Toujours des mensonges ? La manipulation ne passera plus, les jeunes vont partir. Moi-même, je cherche à partir par la voie légale avant d’être au chômage, car dans ma banque, rien ne va plus, et je sens une vague de licenciements dans les mois à venir. »

Ces témoignages révèlent un malaise profond et généralisé au sein de la jeunesse sénégalaise. Face à un avenir incertain et à un gouvernement jugé défaillant, l’immigration apparaît comme une échappatoire inévitable. Les voix s’élèvent pour appeler à un dialogue urgent et à des solutions concrètes, avant que le désespoir ne pousse une génération entière à chercher son salut ailleurs. Les enjeux sont immenses, et l’heure est à l’action pour redonner espoir à ces jeunes en quête d’un futur meilleur dans leur propre pays. Silence: l’Immigration massive tue au Sénégal aucune action ou réaction du gouvernement ! Silence: l’Immigration massive tue au Sénégal aucune action ou réaction du gouvernement ! Zaynab Sangarè, journaliste indépendante