Les deux finalistes à l’élection présidentielle Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont eu de vifs échanges ce mercredi soir lors de leur débat télévisé en s’affrontant sur la Russie, l’économie, les prix de l’énergie, les retraites, l’écologie ou encore l’Europe, à quatre jours du second tour. RFI fait le tour des thèmes abordés par les deux candidats.
Sur le pouvoir d’achat
Marine Le Pen s’est engagée, si elle est élue, à « faire du pouvoir d’achat la priorité de mon quinquennat », à « restituer leur argent aux Français », reprochant à son adversaire de ne pas être dans « la vraie vie ».
Emmanuel Macron a affirmé pour sa part que le « bouclier » qu’il a mis en place pour limiter la flambée des prix de l’énergie était plus efficace et a assuré que la baisse du chômage était le meilleur moyen d’augmenter le pouvoir d’achat des Français.
Les deux candidats se sont accrochés sur leurs propositions respectives d’incitations à augmenter les salaires et primes, chacun accusant l’autre de faire croire que les hausses seront « automatiques ». « Vous n’allez pas faire les salaires, Mme Le Pen ». « Tout comme vous n’allez pas faire les primes, M. Macron », se sont répondu les deux candidats à la présidentielle, en évoquant la thématique du pouvoir d’achat.
La cheffe de file du Rassemblement national a défendu sa proposition de geler « les cotisations patronales » en cas d’augmentation de « 10% des salaires jusqu’à 3 fois le Smic ». « C’est certes un manque à gagner » pour l’État, mais « ça n’est pas une dépense directe », a assuré Mme Le Pen. De son côté, M. Macron est revenu sur le dispositif de prime versée par les entreprises, qui sera défiscalisée jusqu’à 6 000 euros.
■ Sur la politique internationale
Le président sortant Emmanuel Macron a accusé Marine Le Pen d’être à la solde du pouvoir russe en raison du prêt contracté auprès d’une banque russe par son parti, l’ex-Front national, aujourd’hui rebaptisé Rassemblement national. « Vous dépendez du pouvoir, vous dépendez de M. Poutine. Vous avez contracté un prêt auprès d’une banque russe », a-t-il lancé à son adversaire alors que le sujet du conflit ukrainien venait d’être abordé. « Vous ne parlez pas à d’autres dirigeants, vous parlez à votre banquier quand vous parlez de la Russie, c’est ça le problème », a-t-il souligné.
« C’est faux », a rétorqué Marine Le Pen. « Nous sommes un parti pauvre, ce n’est pas déshonorant », a-t-elle dit, accusant Emmanuel Macron, alors à Bercy, d’avoir empêché l’ex-FN de contracter un prêt en France.
Interrogée sur la guerre déclenchée en Ukraine par la Russie, elle a affirmé sa « solidarité et compassion absolues avec le peuple ukrainien », et s’est déclarée en faveur d’une aide « financière, matérielle et de défense » à ce pays, tout en réitérant son opposition à des sanctions sur le pétrole et le gaz russes. « Je soutiens une Ukraine libre qui ne soit soumise ni aux États-Unis ni à l’Union européenne ni à la Russie, voilà ma position », a-t-elle déclaré.
■ Sur l’Union européenne
Les deux candidats se sont écharpés sur le sujet européen, le président sortant accusant son adversaire de « mentir sur la marchandise », la candidate de l’extrême droite considérant n’avoir « jamais vu les dirigeants français défendre les intérêts des Français » dans l’UE.
« L’Europe, c’est pas tout ou rien, ce n’est pas « on prend tout et on ne dit rien ou alors on ne prend rien » », a entamé Mme Le Pen, en disant « souhaiter rester dans l’Union européenne », mais « profondément la modifier pour faire émerger une « alliance européenne des nations » ».
« Il y a toute une série de politiques de l’Union européenne avec lesquelles je suis en désaccord », a poursuivi celle qui concourt pour la troisième fois à l’élection présidentielle, en citant « la multiplication des accords de libre-échange où l’on vend des voitures allemandes, en sacrifiant des éleveurs à la concurrence des poulets du Brésil ou du bœuf du Canada », en référence au projet d’accord de libre-échange avec le marché américain.
« Quel poulet du Brésil ? », a demandé M. Macron, rappelant qu’il s’était « opposé » à l’accord de l’UE avec le Mercosur car « quand, nous, on demande à nos agriculteurs des choses, on demande la même chose en face ». « Ce que vous décrivez, ça ressemble à une bande à part », lui a rétorqué M. Macron, en l’accusant de « mentir sur la marchandise ». « L’Europe est une copropriété, on ne peut pas décider seul de ripoliner la façade. Vouloir changer tout seul un club, c’est faire bande à part », a-t-il insisté. « Vous proposez une alliance avec la Russie, c’est toujours dans votre programme, c’est étonnant », a-t-il encore dit.
■ Sur l’éducation
Emmanuel Macron a annoncé vouloir relever les rémunérations des enseignants de manière à ce qu’il n’y ait « plus de démarrage de carrière sous les 2 000 euros » par mois, une augmentation « conditionnée à absolument rien » selon le candidat. Cet engagement signifiera une hausse « d’environ 10% » pour les enseignants en début de carrière, a-t-il précisé sans indiquer de date. « La revalorisation des enseignants a débuté sous ce quinquennat », a-t-il assuré.
Marine le Pen, elle, a dit vouloir revaloriser les salaires des professeurs de « 3% par an », avec une demi-journée de travail supplémentaire en primaire, rémunérée en plus. Elle a aussi souhaité des sanctions plus sévères pour les élèves perturbateurs. « Les professeurs sont très mécontents, et ils ont raison », a-t-elle ajouté, en accusant son adversaire de vouloir « payer les professeurs en fonction des résultats de leurs élèves » et de tâches supplémentaires.
■ Sur les retraites
Sur le sujet de l’âge de départ à la retraite, le chef de l’État souhaite porter progressivement à 64 ou 65 ans, tandis que la présidente du RN veut maintenir « entre 60 et 62 ans ».
Marine Le Pen a assuré qu’avec elle, les salariés « partiront à la retraite entre 60 et 62 ans » et que « pour avoir une retraite pleine, il leur faudra entre 40 et 42 annuités ». Elle a aussi défendu un système « progressif » où « ceux qui auront eu un premier emploi significatif avant 20 ans pourront partir à la retraite à 60 ans, après 40 annuités ». « Progressivement, au fur et à mesure de l’âge auquel on rentre dans le système, on atteindra maximum 42 annuités 62 ans », a-t-elle assuré.
« Je veux garder ce trésor qu’est notre système par répartition » a répliqué Emmanuel Macron, selon qui « il n’y a qu’une manière de financer, c’est de travailler progressivement plus » avec d’une part « le plein emploi » mais aussi en « décalant l’âge légal » de départ à la retraite « de 4 mois par an ». Cela signifie porter cet âge « en 2028 à 64 ans, et en 2031 à 65 ans », a-t-il ajouté, en défendant un dispositif de « carrières longues » et un autre de « pénibilité ».
Il a aussi prôné de passer le montant minimum des retraites « à 1 100 euros » pour « ceux qui ont une carrière complète » et de « supprimer les principaux régimes spéciaux ».
■ Sur l’écologie et le climat
Marine Le Pen et Emmanuel Macron ont aussi affiché leurs divergences sur l’écologie, la première accusant le second d’être « climatohypocrite » tandis qu’elle était traitée de « climatosceptique ».
« Votre projet est très transparent, vous êtes climatosceptique », a déclaré le président candidat en s’adressant à son adversaire du RN au cours du débat avant le second tour. « Je ne suis pas climatosceptique en aucun cas, mais vous, vous êtes un peu climatohypocrite (…) Vous êtes le pire de l’écologie punitive » qui est « d’une grande violence pour les classes moyennes et modestes », a-t-elle répondu.
Mme Le Pen s’est déclarée favorable à « la transition » écologique mais il faut qu’elle soit « beaucoup moins rapide que ce qu’on impose aux Français ». Donnant la priorité au nucléaire, elle a jugé « regrettable » le recours au solaire et à l’éolien, qui est « le pire » car « il est en même temps une absurdité écologique » et « économique ».
Mais pour Emmanuel Macron, « il n’y a pas de stratégie de sortie des énergies fossiles qui passe par le tout nucléaire ». Il est donc nécessaire « d’investir dans le renouvelable » en développant « des filières industrielles » en France.
Au cours d’un échange plus musclé, Marine Le Pen a ironisé sur le fait que son adversaire voulait mettre des éoliennes en mer « partout, sur toutes les côtes, sauf en face du Touquet », la station balnéaire du Pas-de-Calais où le couple Macron possède une résidence secondaire. « Madame Le Pen… », « vous rigolez », a réagi Emmanuel Macron d’un air outragé.
■ Sur la sécurité
Sur le thème de la sécurité abordé en fin de débat, Marine Le Pen a déploré « une vraie barbarie », notamment en raison de « l’immigration anarchique et massive », Emmanuel Macron affirmant lui vouloir une sécurité « avec des moyens » et non « avec des postures ».
« On ne peut plus accepter dans notre pays que pour un oui ou pour un non, on vous blesse ou vous violente, on vous saute sur la tête, ou on cherche à vous assassiner, ça, ça n’est plus possible », a affirmé la candidate d’extrême droite. En dénonçant « le problème de l’immigration anarchiques et massive » et « le laxisme » de la Justice, Mme Le Pen a réaffirmé sa volonté d’instaurer une présomption de légitime défense des policiers, dont elle a considéré qu’ils avaient « beaucoup souffert de leur mise en cause permanente ».
Emmanuel Macron a alors attaqué : « Penser à nos policiers, c’est pas les abandonner dès qu’il y a un coup de grisou comme vous l’avez fait il y a quelques jours en parlant des policiers de M. Darmanin quand il y avait un problème dans un de vos événements », en référence à l’expulsion d’une militante d’une conférence de presse de la candidate d’extrême droite. « Moi, j’ai le sens du commandement: durant ce quinquennat j’ai tenu mes engagements, 10 000 postes de policiers et de gendarmes ont été créés », a fait valoir Emmanuel Macron.
■ Sur la laïcité
Le débat autour de la laïcité a principalement tourné autour de l’interdiction du voile dans l’espace public souhaité par Marine Le Pen. Emmanuel Macron a d’ailleurs accusé sa rivale de pousser à la « guerre civile », après que celle ci eut confirmé son projet d’interdire le voile islamique dans l’espace public si elle est élue présidente.
« Ce que vous proposez est une trahison de l’esprit français, vous poussez des millions de nos compatriotes hors de l’espace public », a déclaré M. Macron. Ce serait « une loi de rejet », a-t-il lancé, sa rivale rétorquant que ce serait « une loi de défense de la liberté ».
Marine Le Pen, qui avait ces derniers jours semblé revenir sur ce projet, a confirmé ce mercredi soir qu’elle était « pour l’interdiction du voile dans l’espace public ». « Il s’agit de libérer les femmes, de faire reculer l’idéologie islamiste », a-t-elle assuré. « Je lutte contre l’idéologie islamiste », a-t-elle dit. « Je suis pas contre l’islam, qui est une religion qui a toute sa place » en France, a-t-elle insisté.
■ Un referendum sur l’Europe vs un appel au bon sens
Appelés à conclure leur propos, les deux candidats ont eu l’occasion de défendre leur projet une dernière fois alors que le débat touchait à sa fin.
Je combats vos idées, je combats le parti qui est le vôtre, son histoire et son positionnement politique, mais je vous respecte en tant que personne, je respecte et je veux convaincre tous ceux qui ont pu vous suivre », a déclaré Emmanuel Macron en s’adressant à Marine Le Pen. « On a pu voir que nous avions des désaccords sincères, respectables. Cette élection est aussi un référendum pour ou contre, l’Union européenne, et le lien qu’il y a entre la France et l’Allemagne, un référendum pour ou contre une ambition écologique (…), un référendum pour ou contre la laïcité et la fraternité en République (…), et donc un référendum pour ou contre ce que nous sommes profondément, d’où nous venons, ce que nous avons à faire. Le 24 avril, il faut que le choix soit clair », a-t-il terminé.
« Je voudrais m’adresser au peuple (qui) aspire à la tranquillité, au retour du bon sens dans la gestion des affaires de l’État, a quant à elle lancé Marine Le Pen. Le bon sens d’empêcher de nuire les prédateurs d’en haut, ceux qui pillent nos fleurons nationaux et font de l’optimisation fiscale, et puis les prédateurs d’en bas, c’est-à-dire les délinquants et les criminels qui harcèlent les braves gens et pourrissent leur existence. Ce projet est viable, il est même je le crois, vital, c’est celui que je porte pour les Français, pour tous les Français », a-t-elle assuré.