À moins de 30 jours de la présidentielle sénégalaise du 24 février 2019, les cinq candidats retenus comptent leur soutien. Tout le monde vise les recalés. Même le Président sortant.  Mais Karim Wade et Khalifa Sall forment l’attraction.

La majorité tisse sa toile

Dimanche 6 janvier 2019, sur le plateau d’une radio de la place, Me Aïssata Tall Sall, candidate recalée de la coalition « Osez l’avenir », interpelée sur son éventuel soutien à un candidat, dit n’exclure personne « pour le moment ». Ceci, signale-t-elle, malgré les pressions « de milieux maraboutiques » subies « depuis très longtemps ».

Depuis, la Lionne de Podor ne voulait plus plancher sur ce sujet. Mais le suspense n’aura duré que trois semaines. En effet, ce lundi 28 janvier, l’ancienne responsable socialiste, après plusieurs jours de « réflexion » (et de négociations ?), a finalement migré vers la mouvance présidentielle.

C’est le dernier épisode d’une course aux alliances qui s’annonce rude et indécise. En piste : les cinq candidats retenus par le Conseil constitutionnel, Macky Sall, Ousmane Sonko, Madické Niang, Idrissa Seck et Issa Sall. Cibles principales : les 19 recalés de la course.

Le Président sortant tisse sa toile. Loin des regards indiscrets. Deux figures importantes de Taxawu Senegaal, la coalition qui portait la candidature de Khalifa Sall, ont été annoncées à ses côtés. L’une, Soham Wardini, actuelle maire de Dakar, dément tandis que l’autre, Bamba Fall, édile de la Médina, entretient le mystère.

Avant d’attirer Aïssata Tall Sall dans son camp, Macky Sall a enregistré le ralliement d’un pan de la coalition Hadjibou 2019. En effet, juste après la disqualification d’Hadjibou Soumaré, Khouraïchi Thiam, Pape Alioune Diallo et Ousseynou Sow, entre autre cadres de son mouvement, ont officialisé leur soutien au candidat de Benno au sortir d’une audience au Palais. Ameth Fall « Braya », coordonnateur départemental du Pds de Saint-Louis, les a imités.

Auparavant, le camp présidentiel s’était déjà renforcé avec l’arrivée de grosses pointures de l’opposition comme Abdoulaye Baldé (Ucs et maire de Ziguinchor), Modou Diagne Fada (Ldr/Yessal) et Cheikh Tidiane Gadio (Mpcl-Luy Jot Jotna), ancien ministre des Affaires étrangères, qui vient juste de se dépêtrer de ses ennuis judiciaires.

Une opposition, deux pôles
En dehors d’Aïssata Tall Sall, aucune figure de premier plan parmi les recalés, n’a manifesté son soutien à Macky Sall. Les candidats à la candidature malheureux (sauf donc la maire de Podor) semblent décidés à prendre leurs distances avec le Président sortant. Ils se sont retrouvés au sein du collectif C25 dont le coordonnateur est Malick Gakou du Grand parti. Ils se réunissent régulièrement et mènent des actions communes. Mais les tractations, pour voir quels candidats soutenir, se déroulent en coulisses. Et généralement entre d’une part les candidats et d’autre part, les partis ou coalitions de partis pris individuellement.

Au sein de l’opposition, deux courants se dessinent. D’un côté, les poids lourds : Karim Wade, Khalifa Sall, Pape Diop et Malick Gakou. Ils attirent l’attention d’Idrissa Seck de Rewmi, qui a commencé son opération de charme auprès d’eux. Ce, après avoir enregistré le soutien de son ancien lieutenant Thierno Bocoum et de Me El Hadj Diouf.

Idy devra surveiller Madické Niang, qui a réussi à rallier à sa cause certains de ses anciens frères libéraux qui, ne comprenant pas le mutisme de Karim Wade, ont tout bonnement décidé de rouler aux côtés de leur « ami ». Reste maintenant à savoir lequel des candidats le pape du Sopi va choisir.

À côté des poids lourds, il y a les anti-système, pour l’essentiel des technocrates, novices en politique. Leur discours se rapproche plus de celui d’Ousmane Sonko. Ils s’agitent en coulisses pour former une alliance autour du président de Pastef. Il s’agit principalement de Pierre Goudiaby Atépa, qui a déjà officialisé son soutien à Ousmane Sonko en lui « offrant » son siège, Boubacar Camara, Hadjibou Soumaré, Thierno Alassane Sall.

Expert en communication politique, Dr Momar Thiam croit savoir qu’on se dirige du côté de l’opposition vers des alliances contre-nature. Ce, souligne-t-il, pour un même objectif : battre le candidat sortant. Un exercice auquel, selon lui, le Pds, se pliera. Malgré les menaces de boycott brandie par certains responsables libéraux.

« Le Pds va forcément s’allier avec un candidat et ça m’étonnerait qu’il décide de boycotter la présidentielle, ce qui serait suicidaire. Le Ps, pour ce qui est de la frange pro-Khalifa Sall, va également forcément chercher une alliance stratégique et politique avec un candidat qui serait mieux à même de porter le message de Khalifa Sall », pronostique Thiam.

L’attraction Wade
L’expert en communication s’est empressé de signaler que le camp présidentiel ne devrait pas être exclu du jeu des alliances du côté de l’opposition. À son avis, Macky Sall pourrait bénéficier du soutien de deux ou trois membres du C25. Ce qui, indique l’expert, affaiblirait davantage l’opposition qu’il ne renforcerait le Président sortant.

Mais l’enjeu principal de la course aux alliances c’est la position du Pds, deuxième parti à l’Assemblée nationale, rompu aux joutes électorales. « Il est certain que le candidat qui s’alliera avec le Pds, ou portera ses couleurs parmi les cinq aura, à mon sens, de bonnes chances d’être parmi les deux, sinon les trois premiers », avance Dr Momar Thiam.

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