Pour la sécurité des usagers, la réhabilitation de la Rn1 s’était accompagnée de la mise en place de passerelles. Ces infrastructures n’empêchent cependant pas toujours la cohabitation entre véhicules et piétons. Une cohabitation qui s’explique parfois par la mise hors service temporaire de certaines passerelles, mais aussi par le choix délibéré de certains usagers.
A Sicap Mbao, la traversée de la Rn1 se fait dangereusement. Les coups de klaxons répondent à la détermination et la témérité de certains piétons. Cela dure, selon les tabliers trouvés aux abords de la route, depuis 2 ans environ. Si les uns disent ignorer la raison pour laquelle la passerelle est inutilisable depuis aussi longtemps, d’autres évoquent un problème de sécurité et de stabilité de l’ouvrage. C’est le cas de A. Guèye, qui parle d’un «travail mal fait» : «Ce pont a été démonté et refait plusieurs fois. Ils ont fini par abandonner à mon avis. Chaque semaine, il y a des chocs ici et ça va continuer tant que les piétons et les véhicules se partageront la même route». Le «coxeur» en veut pour preuve les débris de verre qui brillent sur le bitume.
Ageroute Sénégal, pour sa part, explique que la passerelle de Sicap Mbao a été fermée aux piétons suite à un accident. «Elle a été percutée par un camion hors gabarit. Elle a été réparée à trois reprises et percutée à chaque fois», précise Ndèye Awa Diop, ingénieur à l’Ageroute. Elle devrait cependant, selon notre interlocutrice, être rétablie prochainement. A Thiaroye-sur-Mer, à hauteur de la mairie de Guinaw-Rails Sud, c’est le même spectacle.
Il y a quelques semaines, des traversées dangereuses étaient, à quelques exceptions près, observables à Keur Mbaye Fall, Diamaguène ou encore Thiaroye. Les piétons devaient compter sur la force du nombre ou la bienveillance de certains automobilistes. Les plus pressés enjambaient les séparateurs de voies en béton, puis se faufilaient ou couraient entre les voitures. Ces passages dédiés ont été depuis rouverts à la circulation par l’Ageroute, qui explique que les passerelles sont amovibles pour permettre, par moment, le passage des convois hors gabarit.
En l’occurrence, précise l’ingénieur Ndèye Awa Diop, «il y avait des convois de la Sénélec qui devaient passer». Depuis, la situation est revenue à la normale. Cela n’empêche cependant pas certains, de préférer l’asphalte à la plateforme métallique qui le surplombe. C’est le cas de Babacar, un marchand ambulant rencontré devant le bureau de Poste de Thiaroye. «C’est plus rapide et moins fatigant pour moi de passer sous le pont et de ressortir par le rond-point que d’emprunter la passerelle. Je n’avais même pas remarqué qu’elle était à nouveau utilisable», justifie-t-il tout sourire.
Au pied même de la passerelle, de petits groupes se forment par moments. De ces groupuscules, une poignée d’élèves se distinguent par l’azur de leurs tenues. Ils attendent avec quelques femmes, et même des personnes du troisième âge parfois, le bon moment pour forcer le passage. Faty Bâ, le panier bien chargé de légumes et un sac coincé sous un bras fort, reconnaît volontiers être en faute. «Je sais que ce n’est pas normal mais sur la passerelle, j’ai l’impression que le métal bouge sous mes pieds et je n’arrive pas à marcher sereinement. Je compte donc sur la compréhension des chauffeurs», justifie-t-elle.
Non loin de là, un chauffeur de clando, qui préfère garder l’anonymat, juge que cette scène à laquelle il assiste chaque jour, s’apparente à «du suicide et de l’irresponsabilité». Pour le quadragénaire qui se dépeint comme «un enfant de la zone», la majorité des piétons choisissent délibérément d’ignorer la passerelle parce qu’il n’y a pas de sanctions. «Personnellement, je leur cède rarement le passage, car je ne sais pas si les véhicules derrière moi auront le même réflexe. Je dois aussi penser à ma propre sécurité», conclut-il.