Suite à la publication d’un rapport sur la transparence de la dette par le Fonds monétaire international (FMI), l’Union africaine (UA) a intensifié ses préoccupations concernant la gestion de la dette publique sur le continent. En réponse à cette situation alarmante, les pays africains ont récemment adopté un mécanisme innovant destiné à soutenir le refinancement de la dette, une initiative cruciale pour alléger le fardeau financier qui pèse sur de nombreuses économies africaines.
Lors de son 38e sommet à Addis-Abeba, l’Union africaine a validé la création du Mécanisme africain de stabilité financière (AFSM), une nouvelle structure dont l’objectif est de renforcer la stabilité économique du continent tout en facilitant le refinancement de la dette des États africains. Cette initiative, soutenue par la Banque africaine de développement (BAD), est une réponse aux besoins pressants de liquidités pour gérer les obligations financières croissantes des pays africains. Le mécanisme pourrait, selon les estimations de la BAD, permettre d’économiser jusqu’à 20 milliards de dollars d’ici 2035, en apportant des solutions de refinancement à des taux plus abordables, un soulagement bienvenu dans un contexte marqué par la hausse des taux d’intérêt mondiaux.
L’AFSM se positionne comme un filet de sécurité pour la région, en offrant aux États une alternative aux sources de financement traditionnelles souvent coûteuses et inaccessibles. Le président du Groupe de la BAD, Akinwumi Adesina, a souligné la nécessité d’un tel dispositif : « L’Afrique a besoin d’un filet de sécurité régional pour fournir des liquidités de refinancement de la dette à grande échelle et à un coût abordable ». Cette initiative vient ainsi compléter d’autres mesures prises par les autorités africaines pour améliorer la gestion de la dette, telles que l’augmentation des droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI, ainsi que des efforts pour une restructuration plus efficace de la dette.
La situation de la dette publique en Afrique s’est aggravée ces dernières années. En 2024, le service de la dette extérieure a atteint un niveau record de 89,4 milliards de dollars, un chiffre qui limite gravement la capacité des États à financer les Objectifs de développement durable (ODD). Depuis 2010, la dette publique africaine a presque doublé, atteignant 1 100 milliards de dollars, principalement en raison de l’augmentation des emprunts non concessionnels et à court terme, un phénomène qui a conduit plusieurs pays à des défauts de paiement. La Banque africaine de développement estime que les besoins de refinancement de la dette atteindront 10 milliards de dollars par an au cours des dix prochaines années. Par ailleurs, les coûts d’emprunt pour les pays africains sont désormais bien plus élevés que ceux d’autres régions, en raison des taux d’intérêt en forte hausse et des primes de risque élevées imposées par les investisseurs. Cette situation a des conséquences directes sur le financement des services essentiels, en 2022, 22 pays africains ont consacré davantage de ressources au remboursement de la dette extérieure qu’à la santé, et six pays ont dépensé plus pour la dette que pour l’éducation.
Concernant le Sénégal, le pays fait face à une situation similaire. Selon les dernières données disponibles, la dette publique du Sénégal a atteint plus de 18.000 milliards de francs CFA en 2024. En raison de son recours croissant aux emprunts extérieurs non concessionnels, le pays a vu son coût de financement augmenter, rendant plus difficile le financement de projets sociaux essentiels. En 2023, environ 30 % du budget de l’État a été alloué au service de la dette, limitant ainsi les possibilités d’investir dans des secteurs clés tels que la santé et l’éducation. En 2022, les dépenses publiques consacrées à la santé ont été inférieures de 40 % à celles attribuées au service de la dette. Cette situation pourrait s’aggraver si des solutions de refinancement adaptées ne sont pas mises en place rapidement.
Dans ce contexte, l’adoption du Mécanisme africain de refinancement pourrait offrir au Sénégal une occasion de réduire le coût de son financement, de stabiliser sa situation de dette à long terme et de réorienter ses ressources vers des secteurs cruciaux pour son développement. L’initiative de l’UA, bien qu’encourageante, devra cependant faire face à des défis techniques et logistiques pour être pleinement mise en œuvre, et son impact sera étroitement lié à l’efficacité de sa gestion et à la volonté des partenaires internationaux de soutenir ce mécanisme.