
Le 23 avril 2025, Dakar accueillera le lancement officiel de l’Initiative de financement de la biodiversité (BIOFIN), portée par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et les autorités sénégalaises. Une initiative stratégique à un moment critique, alors que la planète fait face à une crise écologique sans précédent.
Le dernier rapport de l’IPBES (2019) est sans appel à un million d’espèces animales et végétales sont menacées d’extinction. Pourtant, les financements restent largement en deçà des besoins. Selon le PNUE (2023), seulement 154 milliards de dollars sont alloués chaque année à la nature, alors que l’objectif pour 2030 est fixé à 536 milliards. L’OCDE, quant à elle, parle d’un déficit annuel dépassant les 700 milliards.
Dans les pays du Sud, riches en biodiversité mais pauvres en ressources, les conséquences sont lourdes, recul des services écosystémiques, insécurité alimentaire, conflits d’usage des terres. En Afrique subsaharienne, la dépense publique pour la biodiversité ne dépasse pas 0,1 % du PIB, tandis que les pertes économiques dues à la dégradation des écosystèmes peuvent excéder 5 % du PIB.
Face à ce paradoxe, BIOFIN propose une réponse technique et pragmatique. L’initiative aide les gouvernements à analyser leurs flux financiers, à identifier les inefficacités et à réorienter les budgets vers des politiques favorables à la biodiversité. Elle promeut également des mécanismes innovants de paiements pour services écosystémiques, fiscalité verte, partenariats public-privé.
Des résultats tangibles sont déjà observés. En Namibie, par exemple, l’adoption de BIOFIN a permis d’augmenter de 35 % les financements aux aires protégées entre 2016 et 2021.
Le Sénégal possède un patrimoine naturel exceptionnel – des parcs nationaux comme le Niokolo-Koba, les mangroves de Casamance, le delta du Saloum – mais sous forte pression. Une étude conjointe FAO-PNUD (2022) montre que 80 % des zones côtières sont écologiquement vulnérables, et que plus de 60 % du financement environnemental dépend de l’aide extérieure.
L’intégration de BIOFIN intervient donc comme un tournant stratégique. Elle vise à combler le déficit de financement, à renforcer la souveraineté budgétaire sur les politiques environnementales, et à intégrer la biodiversité dans la planification économique nationale.
Au-delà de l’événement symbolique de Dakar, l’adhésion du Sénégal à BIOFIN s’inscrit dans la dynamique du Cadre mondial pour la biodiversité adopté à Montréal en 2022 appelle à mobiliser 200 milliards de dollars par an pour la nature d’ici 2030. Le Sénégal avec son budget vert de l’agenda 2050, qui rejoint ainsi une coalition d’États pionniers – comme le Mexique, le Rwanda ou les Philippines placent la biodiversité au cœur de leur stratégie de développement.
Car la biodiversité n’est plus un simple enjeu écologique. Elle est devenue un pilier de la stabilité économique, de la sécurité alimentaire, de la résilience climatique. Et pour des pays comme le Sénégal, c’est aussi une question de justice intergénérationnelle. Zaynab SANGARÈ