El Hadji Hamidou Kassé est formel ! La loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale adoptée, vendredi dernier par la majorité n’est autre chose qu’un dispositif prévisionnel de répression de faits liés aux activités terroristes. Elle n’a, selon l’ancien conseiller en communication du Président de la République, rien à voir avec le droit à l’expression et à la manifestation. Dans une interview accordée à Sud Quotidien, le ministre-conseiller en Arts et culture estime que le «Sénégal doit faire face à la menace facho-populiste».
L’Assemblée a adopté le projet de loi présenté par le gouvernement. Entendez-vous l’opposition et une partie de la société qui y perçoivent une volonté de restreindre les libertés d’expression et de manifestation?
L’opposition, du moins une partie de l’opposition, est dans son rôle de manichéisme systématique. Tout ce que le pouvoir pose comme acte, propose et suggère est forcément faux. On voit aussi que tout est prétexte pour appeler à l’insurrection. C’est amusant de constater que c’est un groupuscule, la «Bande des 4», dans une agitation médiatique permanente, qui entretient ce climat. Plus essentiellement, la loi adoptée est un dispositif prévisionnel de répression de faits liés aux activités terroristes: piraterie maritime, financement d’activités extrémistes, destruction de biens publics et privés. Cela n’a rien à voir avec le droit à l’expression et à la manifestation.
Certains pensent pourtant que ce sont les événements de mars qui ont inspiré le gouvernement.
Supposons que ce soit le cas. Ce serait tout à fait logique et légitime. D’abord, cette violence inouïe qui a entraîné mort d’hommes n’a pas encore révélé tous ses secrets. A mon avis, il y a une énigme à percer. Si vous aviez une partie des manifestants soucieux plutôt de leurs conditions de vie avec les mesures restrictives, il y avait tout aussi des bandes armées avec des motivations criminelles : saccages de commerces, pillage de commissariats et de postes de gendarmerie, de tribunaux, mise à feu de domiciles, circulation de listes de personnes à liquider, entre autres. Quel État croiserait les bras devant une telle entreprise organisée de déstabilisation?
L’actualité c’est aussi le 23 juin qui a été marqué par une double célébration. Comment voyez-vous cette situation alors qu’il s’agit d’un seul et même événement ?
Le 23 juin est un événement crucial dans notre histoire politique. Et c’est sous le sceau de la fidélité que nous, de la majorité, l’avons célébré. Nous avons notamment marqué sa dimension nationale tandis qu’une partie de l’opposition a versé dans le sectarisme le plus infantile. Ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui ont été au cœur du 23 juin, et leur fidélité à cet événement s’illustre à travers leur unité qui transcende leurs différences, les efforts de modernisation de notre système démocratique, la mise en œuvre de politiques d’équité sociale et territoriale et le renforcement de la capacité nationale à faire face aux menaces extrémistes.
On parle beaucoup de violence dans l’espace politique. Quelle analyse en faites-vous?
La violence a connu des séquences dans notre histoire. Mais, elle est aujourd’hui institutionnalisée comme mode politique par une partie de l’opposition. Cette dernière a introduit la notion d’ennemi dans le champ politique, s’inspirant des théories clivantes du Bien et du Mal. Tout ce qui n’est pas moi est dans le registre du Mal. C’est inédit dans notre histoire. Au pire de nos adversités, un tel manichéisme n’a jamais été aussi extrême, aussi cristallisé. Ensuite, ce manichéisme est poussé jusqu’à son comble dans le discours qui banalise la violence. De plus, les tenants de cette manière singulière de faire la politique pensent qu’il faut liquider proprement ceux qui ne pensent pas comme eux. Enfin, les mêmes ont systématisé la fake news, l’injure gratuite et la contre-vérité comme stratégie politique de déstabilisation et de conquête du pouvoir. Si vous combinez tous ces éléments, vous aboutissez forcément à la notion de facho-populisme, c’est-à-dire une mystification politique adossée à des méthodes fascistes et à une approche manipulatrice de groupes de population.
Lors de la tournée du Président dans le Nord, des vidéos ont montré des scènes de violence avec des nervis. Les Sénégalais ont-ils raison de s’inquiéter ?
J’étais dans la délégation qui a accompagné le Président lors de cette tournée. Beaucoup de responsables politiques ont leur sécurité, du pouvoir comme de l’opposition. Je suis par principe contre la violence parce que je considère que la politique post-révolutions prolétariennes et guerres libération nationale est forcément soustraite à la violence qui doit être rejetée totalement. On a, par la manipulation et l’indignation sélective, donné une ampleur à ce qui était un incident regrettable.
A quelques mois des élections locales, ne redoutez-vous pas des confrontations?
Tant que certains considèrent qu’ils peuvent impunément utiliser l’arme de la violence, les confrontations sont inévitables. Il est de la responsabilité des forces de défense et de sécurité de veiller à la quiétude de tous les citoyens et à l’exercice libre de leurs droits. La majorité doit défendre par tous les moyens le principe intangible de la politique par les moyens légaux en partage.
Une partie de l’opposition menace de faire parler la rue si le Président Macky Sall tente un troisième mandat. Que répondez vous ?
Encore une fois, personne ne va plus accepter qu’une minorité, sous l’égide de la «Bande des 4», utilise la violence contre les institutions, contre la démocratie et contre d’autres Sénégalais. Lorsque le président prédécesseur de Macky Sall (Abdoulaye Wade-Ndlr) a déclaré avoir déposé sa candidature au Conseil constitutionnel, nous avons dit clairement que nous étions contre. Nous avions ajouté que si toutefois le Conseil constitutionnel validait la candidature, nous allions nous soumettre à la décision du juge constitutionnel et réunir les conditions pour battre le candidat en question dans les urnes. Ensuite, la présidentielle est une affaire individuelle. Tout Sénégalais peut se présenter, la seule condition étant de réunir tous les critères. Donc, ce débat est devant nous. Tout le monde doit savoir que le discours de la violence et la violence du discours ont devant eux une ligne rouge.
Macky Sall a-t-il oui ou non droit à un troisième mandat ? Même s’il a déjà dit puis écrit dans son livre (le Sénégal à cœur) qu’il sollicitait un deuxième et dernier mandat ?
Lorsque le débat se posera, nous ne nous débinerons pas. On nous entendra.
Que répondez-vous à certains qui pensent que les tournées économiques du Président de la République ne sont qu’un paravent pour une campagne en direction de 2024 ?
Le Président Sall a fait de la liaison avec les populations un principe essentiel de son entreprise politique. Il a pratiqué ce principe et dans l’opposition et au pouvoir. Donc, l’objection de campagne électorale ne tient pas. Nous croyons aux masses populaires comme source de la légitimité, c’est ce qui nous différencie des tenants de l’approche groupusculaire et violente. Le grand penseur Lénine reprochait à certains révolutionnaires russes cette vision héroïque portée par quelques individus qui croyaient naïvement faire l’histoire à la place des masses.
On sait que vous êtes un «ami» du Mali. Comment voyez-vous l’avenir de ce pays au regard de ce qui s’y passe?
J’ai commencé à fréquenter ça pays en 1991, alors qu’il sortait de la révolution démocratique. Au Sénégal, nous étions un avec les étudiants maliens, dont feu Toto Diarra, Souleymane Koné mais aussi mon ami Seydou Sissouma qui étaient des figures valeureuses. Tous ensemble, nous avions lutté en soutien à nos camarades maliens de l’intérieur contre le régime d’alors. Ensuite, j’ai été très proche du Président Amadou Toumani Touré grâce à l’entregent de Sissouma. Je soutenais intellectuellement son expérience de consensus politique, convaincu que le rassemblement de toutes les forces vives, donc une démocratique inclusive, est la solution pour tous les pays qui sortent d’une crise. Je dirai même, informé par toutes les convulsions du siècle dernier, le niveau de développement de nos pays et de nos sociétés ainsi que par les nouvelles menaces extrémistes. Le bien-être du peuple et la grandeur de la nation priment forcément sur les confrontations entre minorités et majorités qui relèvent, pour ma part, de ce que Mao appelle les contradictions au sein du peuple. C’est une ligne de lumière pour le Mali et pour toute l’Afrique.