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Le Sénégal, en 2025, se trouve à un carrefour de son développement économique, partagé entre des promesses de prospérité et des défis de taille. L’évaluation de la situation économique actuelle et des perspectives à moyen terme nécessite une approche multidimensionnelle prenant en compte les facteurs internes et externes, la gestion de la dette publique et les enjeux de la liberté économique.

 

En 2023, l’économie sénégalaise a enregistré une croissance de 4,6 %, soutenue par une relative stabilité des prix, avec une inflation qui s’est modérée à 5,9 %. Cependant, plusieurs indicateurs économiques restent préoccupants. Le déficit budgétaire est estimé à 4,8 % du PIB, tandis que la dette publique de l’administration centrale atteint 73,4 % du PIB, dépassant ainsi les seuils recommandés par l’UEMOA. Ces chiffres soulignent les fragilités structurelles du pays en matière de gestion des finances publiques, comme le rapporte le FMI.

L’un des moteurs principaux de la croissance future réside dans les ressources naturelles, notamment le pétrole et le gaz. En 2024, la production de pétrole et de gaz devrait commencer à contribuer de manière significative au PIB, bien que des retards dans la mise en exploitation des ressources aient déjà conduit à des révisions à la baisse des prévisions économiques. La gestion de ces nouvelles richesses sera cruciale, d’autant que l’exploitation des hydrocarbures représente une opportunité majeure mais aussi un défi de gouvernance.

Dans un cadre plus large, le gouvernement a adopté l’Agenda de Transformation nationale « Sénégal 2050 », visant à assurer un développement économique durable et inclusif à travers une vision d’indépendance énergétique, d’innovation technologique et d’amélioration des conditions de vie des populations. Ce plan de transformation se veut un levier pour accroître la compétitivité du pays et réduire sa dépendance extérieure, conformément aux objectifs de l’Agenda 2050.

L’économie sénégalaise est exposée à des risques externes importants. Les tensions géopolitiques mondiales, notamment la guerre en Ukraine et les conflits au Moyen-Orient, ont des répercussions directes sur les prix du pétrole et des matières premières, qui connaissent des fluctuations considérables. En outre, le pays doit faire face aux conséquences des crises agricoles mondiales, lesquelles augmentent la vulnérabilité aux hausses des prix des denrées alimentaires et énergétiques.

La dépendance énergétique du Sénégal reste une faiblesse majeure. Le secteur énergétique, largement basé sur les importations de produits pétroliers, représente près de 30 % des importations totales du pays, soit environ 12 % du PIB. Cette dépendance expose le pays aux variations des prix mondiaux de l’énergie, avec des impacts potentiels sur l’inflation et la balance des paiements.

Les catastrophes naturelles, telles que les inondations et l’érosion côtière, ajoutent une couche de complexité aux enjeux économiques. En 2024, les inondations ont causé des pertes estimées à 38 milliards FCFA dans le secteur agricole et à 856 millions FCFA dans l’élevage. L’érosion côtière, quant à elle, représente un coût équivalent à 3,3 % du PIB, affectant gravement les infrastructures et les zones urbaines proches du littoral.

La gestion de la dette est un enjeu central pour le Sénégal. Depuis 2017, la dette publique de l’administration centrale a doublé, passant de 7 137,4 milliards FCFA à 13 854,3 milliards FCFA en 2023, représentant ainsi un fardeau de plus en plus lourd pour l’économie. Le service de la dette pour 2024 est estimé à 2 502,62 milliards FCFA, avec une sensibilité accrue aux variations des taux d’intérêt sur les marchés financiers.

Les dépenses liées à la dette sont exacerbées par les coûts des subventions énergétiques, dont le financement a atteint 750 milliards FCFA en 2022 et 596 milliards FCFA en 2023. Le gouvernement a mis en place des mécanismes de plafonnement des prix de l’énergie, mais ces mesures soulignent la pression exercée sur le budget national.

En matière de liberté économique, le Sénégal présente un indice de 6,20 sur 10 en 2021, le plaçant au 110e rang mondial, et au 15e rang en Afrique subsaharienne. Si la performance relative du pays en matière de « taille du gouvernement » est au-dessus de la moyenne mondiale, d’autres domaines, comme la régulation du marché, la protection des droits de propriété et la compétitivité du secteur privé, restent insuffisants. Le pays fait face à un retard par rapport à d’autres économies africaines comme l’île Maurice, et même la Côte d’Ivoire commence à dépasser le Sénégal dans certains domaines liés à la liberté économique.

Des réformes structurelles sont nécessaires pour améliorer la compétitivité et la transparence. Le pays devrait renforcer l’accès au financement pour les PME, simplifier la fiscalité et lutter plus efficacement contre la corruption, afin de stimuler les investissements et encourager une croissance économique plus inclusive.

Le secteur parapublic sénégalais, bien que stratégique, présente des vulnérabilités importantes. Certaines entreprises publiques sont confrontées à une détérioration de leurs capitaux propres. C’est le cas de la société Dakar Dem Dikk, dont les capitaux propres sont négatifs à hauteur de 60,7 milliards FCFA, et du Groupe SN La Poste, avec des capitaux propres négatifs de 143 milliards FCFA. Ces dégradations financières présentent des risques pour la stabilité économique et exigent des mesures de restructuration et de recapitalisation.

Les partenariats public-privé (PPP), bien que sources de financement pour de nombreux projets d’infrastructure, comportent également des risques budgétaires. Un exemple notable est le contrat de PPP pour la construction de 15 centres de formation, dont le coût de 72,363 milliards FCFA est entièrement financé par un partenaire privé, ce qui pourrait, à long terme, déséquilibrer les finances publiques.

Le Sénégal doit naviguer avec prudence entre les opportunités offertes par l’exploitation de ses ressources naturelles et les défis liés à l’endettement, aux risques climatiques et à la gouvernance économique. Une gestion rigoureuse des finances publiques, couplée à des réformes structurelles et à des investissements dans des infrastructures résilientes, sera essentielle pour garantir un développement durable et inclusif, capable de répondre aux aspirations du peuple sénégalais pour un avenir plus prospère. Par Zaynab SANGARÈ