«Un dispositif textuel est, si sophistiqué soit-il, insuffisant pour garantir la stabilité constitutionnelle, il faut aussi d’autres facteurs y contribuant comme la vigilance du juge. En effet, dans les pays en gestation démocratique où les lois deviennent « de moins en moins l’expression de la volonté générale» et «plutôt de circonstance et de complaisance», le juge constitutionnel doit, à certains moments critiques, par la mise en branle de son pouvoir d’interprétation inhérent à l’office de juger, faire montre de hardiesse et d’ingéniosité pour limiter le pouvoir politique lorsque ce dernier est tenté d’utiliser la Constitution pour pervertir les principes du constitutionnalisme. C’est aussi à ce prix qu’il pourra, dans ce continent, qui «oscille entre une marche chaotique vers la démocratie et les régressions chaotiques en proie aux conflits», jouer son rôle de pédagogue de la démocratie, de garde-fou des institutions et, en définitive de juge de la paix». N’y allons pas par quatre chemins, et disons-le tout net en retenant notre souffle: l’auteur de cette invite est bel et bien notre compatriote le Pr Ismaila Madior Fall, l’actuel «Ministre de la justice» qui stimule et alimente, sans aucune gêne, la dictature juridique et politicienne de l’esprit de la gouvernance jalonnée de péripéties du petit Macky Sall de l’APR.
Assurément, face à la énième forfaiture du Conseil constitutionnel sénégalais qui bafoue le droit qui fonde son existence et régit son fonctionnement, la lecture et/ou la relecture de ce commentaire dudit «tailleur constitutionnel au service du président» résume l’ampleur de la trahison des « ennemis intimes de la démocratie sénégalaise». Elle nous conforte également dans l’idée que nous Sénégalais, avons encore une poignée dans le dos qui nous hypnotise et nous tue en silence. Le «désenchantement du Sénégal» que diffusent nos urgentes demandes, nos incessantes complaintes et nos atroces gémissements, demeure inaudible pour que des «sages», des «honorables», des enfirouapeurs du «clan des possédés de pouvoir» les entendent, les comprennent et les soulagent. Mon œil, tant pis!
Bien sûr, il est vrai que par un parcours inédit, singulier et très mouvementé, les Sénégalais ont posé des actes remarquables et des gestes douloureux pour faire en sorte qu’on leur confère des droits et des libertés pour qu’ils puissent, en retour, s’imposer des devoirs. Par cette quête permanente d’une Citoyenneté pleine et active, le Peuple Sénégalais a toujours saisi au bon moment la nécessité d’avoir une grande clarté politique capable de relancer et de préserver la dynamique collective. À cet effet, les élections se sont imposées comme une norme à laquelle aucun chef d’État de gré ou de force ne peut s’y soustraire.
Le droit de vote devenu ainsi avec les alternances politiques réalisées une banale routine dans la conscience citoyenne de chaque sénégalais. Périodiquement, nous Citoyens sénégalais, évaluons l’exercice du pouvoir, décidons de renouveler ou non le contrat de confiance qui nous lie aux gouvernants. Or, tous ces élans et efforts paraissent bien vains en ce sens que VOTER au Sénégal prend de plus en plus et contre toute attente des allures d’un exercice citoyen perverti, culbuté qui demeure à la fois confus, hallucinant, décevant et insuffisant. À cela, s’ajoute le refus volontaire et formelle en absence de toute contrainte de nos gouvernants d’apprendre des expériences du passé ou même d’appliquer les nombreuses recommandations qui ressortent des précédentes élections.
La plupart des candidats qui courtisent nos suffrages, une fois notre confiance obtenue en guise de dépôt, tournent aussitôt le dos à nos réels besoins, à nos intérêts, et à nos priorités tout en maintenant sans arrêt les facteurs moribonds de politique politicienne qui nourrissent notre si apparent parasitisme social. Aussi, l’expression de leur désir toujours inassouvi de réinventer glorieusement la roue dans le but de se maintenir durablement au pouvoir impacte très négativement le socle de même que le consensus électoral par lesquels ils avaient pourtant obtenu des victoires électorales. Pire, des candidats astucieux profitent des «temps de promesse» qui tiennent le pays en otage en longueur d’année pour nous débagouler des mensonges nous confinant avec désolation dans la sensation du « déjà vu» ou du «déjà entendu». On dirait que les Sénégalais votent pour que rien, rien, rien ne change…Sacré pays!
Dire autrement, en toute naïveté, les Sénégalais subissent des élections sans se rendre compte dans le fond qu’organiser une compétition électorale doit forcément impliquer la responsabilité collective de créer de la croyance, de vivifier un substrat et par conséquent de justifier le besoin galvanisant de croire au possible changement et de faire confiance à la teneur du serment présidentiel. Une élection quelle qu’elle soit est tout simplement une affaire de FICHIER ÉLECTORAL FIABLE et de CONFIANCE ÉLEVÉE! Cette confiance dans les Institutions chargées d’organiser des élections et dans leurs règles impersonnelles et égalitaires de fonctionnement demeure une non négociable exigence. En effet, comme le souligne Joël Roman, « faire confiance aux institutions, c’est récuser toute forme de sujétion personnelle à un individu, quel qu’il soit, aussi bien intentionné ou charismatique soit-il». De plus, la crédibilité personnelle des individus qui incarnent les institutions publiques de même que le consensus sur les principes et les modalités sont des conditions préalables pour éviter au Peuple la polycrise électorale, le désastre et l’irréparable…
Répétons-le autant de fois que nécessaire! Après ces engagements électoraux non tenus et ces scandales à répétition de divers ordres vécus, subis et endurés, maintenant à quoi devons-nous nous attendre de notre concitoyen Macky Sall qui s’est autoproclamé depuis 2012 maître et possesseur du Sénégal, malgré nos incessantes mises en garde et sans que plusieurs parmi nous ne bougent le petit doigt? Comment un boulimique et obsédé de pouvoir sans décence politique peut-il être capable d’organiser des élections légales, libres, consensuelles et transparentes? Avons-nous oublié déjà l’édition 2017 de son bordélique Festival législatif parsemé de graves et d’attendrissantes cacophonies enregistrées tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Sénégal? Sommes-nous amnésiques en si peu de temps pour ne plus nous souvenir de cette chaine ininterrompue de reniement, d’amateurisme, d’escroquerie, de tromperie, de menterie d’État qui secoue au quotidien le Sénégal? Chers compatriotes, reconnaissons devant notre miroir social qui nous renverra notre propre image, que lorsque la promesse de respecter un calendrier électoral devient extrêmement incertaine dans son contenu et ses modalités, le soulèvement populaire n’est-il pas l’urgente nécessité à envisager rapidement pour remettre les pendules à l’heure avant qu’il ne soit trop tard?
Dernier point mais pas le moindre, l’épuisante mascarade électorale de Février 2019 est bien planifiée et soigneusement mise en route au grand jour. Mais pour le salut de notre cher Sénégal, ce rendez-vous électoral le plus misogyne de toute l’histoire politique du pays ne doit pas avoir lieu! Elle est et sera, faut-il le réitérer ici et maintenant, du vrai n’importe quoi électoral qui nous fera encore honte pour toujours, et ce, dès la prochaine apparition du soleil! Car le petit et impopulaire candidat de l’APR s’entête de manière maladivement obstinée à organiser une élection présidentielle. Il est prêt à tout, à tout, à tout pour continuer à confisquer le pouvoir en se foutant royalement des préceptes de droit, d’État de droit, de justice, d’éthique, de transparence, de morale et d’élégance politique. Parallèlement, les acteurs politiques dans l’opposition sénégalaise hypnotisée et la société civile ont décidé pour l’heure de se la jouer aux gentlemen légalistes et n’entendent pas les appels citoyens au SURSAUT NATIONAL et/ou à la DÉSOBÉISSANCE CIVILE, ces ultimes alternatives de renaissance, de ressourcement et de recréation accessibles en tout temps à un peuple malmené et brimé. Alors qu’«au stade où se situe, à présent, le régime, nous pouvons dire, avec peu de risque de nous tromper, qu’il aborde l’étape du soir, celle qui précède l’étape de la nuit, celle des ténèbres présage d’une aube nouvelle…», soutenait un jour feu Mamadou Dia devant une autre forfaiture d’un autre président rangé dans les annales politiques du Sénégal.
Pathé Gueye-Montréal