Chacun est libre de s’exprimer sur le sujet de son choix, surtout si cela concerne la marche de la Nation et nos institutions. Quiconque ne serait pas d’accord peut donner son avis sur l’objet du débat. Mais il est inutile de personnaliser cet échange, car il ne s’agirait plus de faire valoir son propre point de vue uniquement sur la base de son expertise et de son savoir, mais de démentir ou décrédibiliser quelqu’un, soit pour défendre une posture, légitimer celle d’une tierce personne ou conforter une position de courtisan ambitieux à la recherche d’une position de jouissance.
Et dans ce cas, on bascule dans la polémique parce qu’on est dominé par l’enjeu : avoir raison coûte que coûte, quitte à défendre quelque chose et son contraire, avec un cynisme et un manque scandaleux de hauteur morale qui offusqueraient quiconque.
«L’éloquence politique a ses variétés : charlatans qui amusent, déclamateurs qui ennuient, beaux diseurs qui charment et tribuns qui font peur», disait Gustave Vapereau. La polémique sur le troisième mandat qui enfle et qui est insidieusement entretenue par nos caciques, en est la parfaite illustration.
Ces intellectuels défroqués, pour qui la politique est un moyen de se faire des revenus sans mise de fonds, ont renoncé à l’honneur qui faisait le prestige de leur statut, en prostituant leurs connaissances pour justifier et défendre des positions politiques potentiellement préjudiciables à l’Etat de Droit, selon l’avis d’une large frange de la population.
D’éminents juristes avancent des arguments tellement ridicules et saugrenus que certainement celui dont ils tentent de légitimer le projet doit se sentir mal à l’aise de voir combien l’avilissement de ces icônes du savoir réduites en courtisans est exécrable, et le dessert plutôt qu’il ne renforce sa posture intentionnelle.
Le Peuple sénégalais qui sait que «le langage politique est destiné à rendre vraisemblables les mensonges, respectables les meurtres et à donner l’apparence de la solidité à ce qui n’est que vent», ne leur accorde désormais aucun crédit, et bien au contraire, il se braque violemment contre le régime, chaque jour encore plus exécré par une opinion publique déterminée à faire face à toute velléité d’imposer un agenda qui violerait les dispositions constitutionnelles de notre pays.
Les intellectuels malhonnêtes, qui ont décidé de mettre leurs compétences au service de la défense et de la justification des coups de force du prince, sont en train de constater à leurs dépens que «les dons les plus précieux de l’esprit ne résistent pas à la perte d’une parcelle d’honneur», ainsi que l’affirmait André Breton.
Le mépris des Sénégalais affiché à leur encontre est insondable ; il est à la hauteur des ambitions personnelles qui les font mettre en péril la paix et la stabilité nationales, car nous le savons tous, «toute opinion politique est doublée d’un intérêt, et l’habit ne dure pas, bien heureusement, plus que sa doublure» !
L’opinion publique, «ce gouvernement de la majorité invisible», leur portera la seule réplique qui sied : sa force de mobilisation.
C’est la seule voie pour imposer à nos élites politiques le respect de la parole donnée, qui doit être sacralisé, dans une société où les rapports politiques devraient être basés sur l’éthique, la probité morale et intellectuelle, car si «on peut séparer la religion de la morale, (…) la morale et la politique sont inséparables», et manquer à sa parole, surtout si l’on incar- ne la plus haute institution de son pays, est un outrage inacceptable.
Le sort de Me Wade est éloquemment exemplaire pour ce cas précis.
Il avait commis l’erreur d’ignorer que «les grands ne [doivent avoir] que l’honneur pour seule conscience», en manquant à sa parole !
Le Peuple sénégalais le lui a rappelé, en 2012. Quand on oublie l’histoire, elle vous rattrape, avec les mêmes effets.