On tire sur la presse sénégalaise tous les jours, on dénigre notre travail, on nous insulte, on nous traine dans la boue. Le découragement est à l’interne, je parle juste du statut, je fais abstraction des conditions de travail. Le métier n’attire plus. Tout cela à cause des agissements de certains d’entre nous relativement à leurs relations avec le pouvoir en place, de façon générale avec le pouvoir politique.
La politique sous nos cieux n’est pas cohérente, les combats tournent autour de privilèges au détriment de l’intérêt général. Conséquence, les relations de ce pouvoir politique avec les autres pouvoirs sont biaisées parce que guidées par l’instinct de conservation. La presse est dans ce jeu. Le régime actuel n’a pas arrangé les choses en recrutant en son sein plusieurs journalistes. Des connexions entre le pouvoir et des journalistes peuvent être tolérées si cela repose sur des appartenances idéologiques et les mêmes combats pour la défense de l’intérêt général. Dans certaines grandes démocraties on parle de médias proches de la droite, de la gauche ou autres croyances idéologiques. C’est un peu comme aussi les relations entre les politiques et les syndicats. Chez-nous les journalistes proches du régime ont souvent avancé comme argument l’amitié avec le chef de l’Etat parfois même de relations presque parentales.
Il est plus que temps de poser le débat et de s’organiser pour redorer le blason de cette presse qui a contribué à l’édification de la démocratie sénégalaise. Il s’agira d’abord de s’organiser à l’interne des rédactions. Aucun journaliste ne mérite après avoir fait correctement son boulot de se réveiller le matin et d’apprendre avec tout le monde à la Une de son journal une information dénudée de tout fondement et qui frise le ridicule. Un exemple d’actualité avec des journalistes de BFM TV qui dénoncent leurs conditions de travail et le plan de la couverture des manifestations des Gilets jaunes qui secouent la France depuis des semaines. Conséquence, la direction du média a accepté, « la formation prochaine d’un comité éditorial, et la tenue d’un séminaire qui permettra aux journalistes d’apporter des propositions pour faire évoluer la ligne générale ». Elles sont nombreuses les organisations et institutions qui peuvent apporter leur soutien à cette cause comme toutes celles qui se battent pour des journalistes bien formés et une information de qualité au Sénégal. Un combat qui sort du système classique des syndicats qui luttent en général pour l’amélioration des conditions de travail des journalistes.
Il est certain aujourd’hui que les mobilisations de la presse à l’époque de l’affaire « Kara-Kambel » ou lors de l’emprisonnement de Madiambal Diagne pour diffusion de fausses nouvelles avec l’appui des citoyens ne peuvent pas être reconduites si cela se passent aujourd’hui. Nous avons nous-mêmes terni notre image. Nous devons retrouver cette fierté de faire ce job en lavant le linge salle dans la famille avec l’apport des usagers de la presse (internautes, auditeurs, lecteurs, téléspectateurs) qui ne sont plus des récepteurs passifs.
Ndiaga Diouf