Le 30 décembre 2018, j’ai été l’invité de l’émission «Le Jury du Dimanche», animé sur la chaîne I radio par Mamoudou Ibra Kane.
A cette occasion, j’avais répondu à la question de savoir si le leader de Pastef, Ousmane Sonko, ne serait pas la révélation de la prochaine élection présidentielle du 24 février 2019. Je disais notamment : «Ousmane Sonko constitue déjà une révélation en ce sens qu’il a réussi à obtenir un siège de député dès sa première participation à des élections nationales, même si c’était grâce au plus fort reste. Aussi, on peut considérer qu’il est déjà une revelation, car si l’on en croit la presse, il a obtenu le nombre de parrainages nécessaire tandis que des hommes politiques qui sont sur le terrain depuis plusieurs décennies, n’y arrivent pas.
Il n’en demeure pas moins que l’on peut avoir des réserves sur le discours de Ousmane Sonko ; il y a quelque part un manque de maturité ou de sens des responsabilités. En faisant certaines affirmations, comme la désinvolture avec laquelle il traite la question du franc Cfa. Il veut sortir du Cfa, mais ne nous dit pas comment. Ses à peu près sur la question des hydrocarbures, en disant des choses totalement inexactes, des accusations qu’il porte contre des fonctionnaires, des dossiers sur lesquels lui-même aurait pu être interpellé.
Les personnes qu’il a mises en cause peuvent se retourner contre lui. Comment Mamour Diallo (Ndlr : directeur des Domaines) par exemple pourrait-il détourner des sommes qui ne sont même pas encore payées (Ndlr : 94,5 milliards dus par l’Etat du Sénégal aux héritiers du Tf 1451/R) ? Et puis, Ousmane Sonko est en relation d’affaires avec une des parties prenantes. Il a des intérêts dans ce dossier. (…) Si je vous le dis, vous pouvez me croire. Je ne parle pas à la légère. J’ai les preuves de ce que je vous dis là. A tout le moins, Ousmane Sonko peut être entendu comme témoin dans cette affaire.»
Un magot de 12 milliards de francs Cfa de commissions escomptées par Ousmane Sonko
Au cours d’un meeting qu’il a tenu dans la soirée du dimanche 30 décembre 2018, dans le quartier des Parcelles Assainies à Dakar, Ousmane Sonko a estimé devoir m’apporter une réplique. Cela est tout à fait acceptable, mais au lieu de parler des faits, il a cherché à noyer le poisson pour m’abreuver d’injures et demander à son public de faire de même. Il se gardera bien de contester mes allégations. Il restera sur le terrain de la caractérisation.
Ils étaient nombreux, après cette sortie du leader de Pastef, à dire qu’ils étaient restés sur leur faim ; que Ousmane Sonko a cherché à répondre sans vraiment répondre. Un de ses amis se demandait même si Ousmane Sonko avait pris le soin d‘écouter mes propos avant de se mettre à m’insulter en public. Mais comme le dit un adage bien de chez nous : «Un beau parleur finit toujours par palper ses propres fesses et dire qu’elles ne sont pas les siennes».
En effet, invité sur le plateau de la chaîne de télévision 2STv, Ousmane Sonko sera bien embarrassé de reconnaître ses relations d’affaires avec les héritiers du fameux Tf 1451/R, comme je l’avais indiqué à l’émission de Iradio. C’est par le biais de sa société Afrique tax and law advisor services (Atlas), constituée avec Ismaïla Ba, que Ousmane Sonko avait négocié, avec les ayants-droit, pour toucher sa part sur des indemnisations que l’Etat du Sénégal devrait payer suite à un litige foncier consécutif à des opérations d’aliénation dudit terrain.
«Tel est pris qui croyait prendre !» En effet, Ousmane Sonko, candidat déclaré à la prochaine élection présidentielle, ne pouvait pas ignorer que toutes ses transactions attireraient l’attention, et ainsi se gardera-t-il alors de faire porter l’opération par sa société Atlas. Ainsi, Ousmane Sonko croira-t-il nécessaire de susciter la création d’une nouvelle société baptisée Mercalex, dont le directeur général ne sera personne d’autre que son associé Ismaïla Ba, le même qui demeure être le gérant de la société Atlas.
Le business sur le Tf 1451/R sera ainsi refilé à Mercalex par un protocole signé en août 2018. On remar- quera que Mercalex a été créée le 29 juin 2018, pour, quelques jours plus tard, sign- er un protocole avec les héritiers du Tf 1451/R. Le dernier des idiots comprendrait que Mercalex a été spécialement créée pour servir de mule à cette operation. Une fois le contrat sécurisé, Mercalex entamera ses actions en recouvrement. Des mises en demeure de paiement ont été adressées dès le 13 septembre 2018 aux structures impliquées dans cette affaire pour exiger le paiement des sommes réclamées.
Mercalex se rendra vite compte que l’opération ne sera pas une mince affaire, du fait notamment que les héritiers avaient déjà passé une convention similaire avec une autre société, Sofico, dirigée par un certain Tahirou Sarr. Alors, Ousmane Sonko entra en action et saisit, en sa qualité de député à l’Assemblée nationale, toutes les institutions publiques d’une dénonciation. Histoire de faire peur ou de mettre une certaine pression sur l’Etat du Sénégal et sur toutes les autres parties pour leur faire casquer le magot.
Le député Sonko versera dans une forme de vulgaire opération de chantage en faisant un ramdam auprès du procureur de la République, de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), de l’Inspection générale d’Etat et on ne sait encore quelle autre institution de l’Etat. Il a semblé avoir bien assimilé la leçon. Il disait, le samedi 13 décembre 2013, sur le plateau de «Ça me dit mag» sur la 2STv, quand il cherchait à défendre Tahibou Ndiaye, «qu’il est facile d’accuser quelqu’un sans preuve et laisser les réseaux sociaux le salir». Voulait-il procéder de la sorte ?
En tout cas, ignoré par les acteurs de cette affaire, Ousmane Sonko fera du «porter-presse» pour reprendre la belle formule de Youssou Ndour, avec de virulentes sorties médiatiques. Le modus operandi est on ne peut plus ignoble et révoltant, car on constate qu’un député, homme politique, utilise son mandat de député et sa casquette d’homme politique pour faire aboutir des causes dans lesquelles il escompte récolter, à son profit personnel, de fortes sommes d’argent. Quelle leçon d’éthique ou de probité un tel personnage pourrait-il prodiguer ?
Les faits sont graves et le comportement de Ousmane Sonko dans cette affaire est en porte-à-faux avec les règles professionnelles et éthiques du député. Ah oui, dans l’e- spèce, l’Ofnac devrait s’auto-saisir du cas de Ousmane Sonko. L’Assemblée nationale du Sénégal ne devrait pas elle non plus fermer les yeux sur une violation aussi grave de son règlement intérieur. Assurément, Ousmane Sonko n’a cure du conflit d’intérêts ou d’un souci de détournement de son mandat de député à des fins privées. Il apparaît ainsi plus comme un «député de son cabinet fiscal» qu’un «député du Peuple sénégalais».
Par ailleurs, Ousmane Sonko devait aussi ignorer que le mandataire des héritiers du Tf 1451/R, Djibril Dial, était venu me solliciter pour que je l’aide auprès de cer- taines autorités de l’Etat pour faire avancer son dossier. J’avais catégoriquement exclu toute idée de commissions, contrairement à Ousmane Sonko qui, lui, réclamait 12% des montants qui seraient payés. Qui est le «mercenaire» entre nous deux ?
Ousmane Sonko, un fonctionnaire peu scrupuleux
On notera que Ousmane Sonko avait créé la société Atlas avec Ismaïla Ba, au moment où il était encore un fonctionnaire de l’Administration fiscale. Voilà un fonctionnaire qui crée une société de conseil en droit fiscal pour faire des prestations privées sur la matière pour laquelle il est employé par l’Etat du Sénégal. Quelle est son éthique de fonctionnaire ?
On peut bien s’interroger sur la sincérité des opérations fiscales conduites par Ousmane Sonko qui travaillait le matin pour les services des Impôts et le soir pour son cabinet de conseils en fiscalité. Ousmane Sonko était dans une posture de conflits d’intérêts évidents. Et nous l’invitons à relire le Code de déontologie de l’Administration fiscale du Sénégal et surtout, la loi 61-33 du 15 juin 1961, portant statut général des fonctionnaires qui souligne : «Il est interdit à tout fonctionnaire d’exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. Il peut être exceptionnellement dérogé à cette interdiction dans les conditions qui seront fixées par décret réglementant le cumul (.)…
Il est interdit à tout fonctionnaire, quelle que soit sa position, d’avoir soit par lui-même, soit par personne interposée, et sous quelque dénomination que ce soit, dans une entreprise soumise au contrôle de son administration ou service, ou en relation avec son administration ou service, des intérêts de nature à compromettre son indépendance.»
Ousmane Sonko a été à la base de la création du Syndicat autonome des agents des Impôts et Domaines et a dirigé cette organisation de 2005 à 2012. Cette position lui a permis de s’ériger en terreur des différents responsables de son Administration. Cela lui a valu d’être systématiquement servi dans tous les lotissements qui ont été effectués. Ousmane Sonko a pu ainsi bénéficier de nombreuses affectations foncières. Nous détenons des copies de nombreux baux qui lui ont été attribués directement ou par le biais de prête-noms dûment identifiés ; des terrains qu’il a pu revendre.
Les privilèges indus accordés à Ousmane Sonko avaient commencé par faire jaser au sein des services. La boulimie foncière de Ousmane Sonko l’avait poussé à être un garçon de courses de Tahibou Ndiaye, ancien directeur des Domaines. D’ailleurs, il avait cherché à voler au secours de Tahibou Ndiaye quand ce dernier avait maille à partir avec la justice. Il avait tenté en vain de mobiliser les travailleurs des Impôts et Domaines pour servir de bouclier à Tahibou Ndiaye. Seulement, il n’avait pas compris que ces travailleurs ne pouvaient pas se sentir solidaires d’une prédation de ressources foncières qui ne leur avait pas profité.
Dans le cadre de l’affaire Tahibou Ndiaye, Ousmane Sonko menaçait de faire sauter la République par des déballages. Il n’en fera rien. Tahibou Ndiaye finira par aller en prison. Je dois rappeler à Ousmane Sonko que c’était dans ces conditions qu’il avait demandé à me rencontrer, car il était au courant du fait que la famille et des proches de Tahibou Ndiaye m’avaient sollicité dans ce dossier en vue d’une «médiation pénale» pour permettre à Tahibou Ndiaye de sortir de prison. Nous nous étions vus au bar de l’hôtel King Fahd Palace en décembre 2013. Il était venu au rendez-vous, accompagné de Ismaïla Ba à qui il demanda de nous laisser seul à seul. Ousmane Sonko m’avait quitté ce jour en me témoignant de son «respect et de son estime».
S’il en arrive aujourd’hui à m’insulter, c’est justement parce qu’il est en difficulté comme le montre éloquemment son amnésie subite, sur le plateau de la 2STv, le soir de la Saint Sylvestre. Il avait de la peine pour se souvenir jusqu’au nom de sa société Atlas. «Il y a des gens qui croient qu’il faut laver une injure dans le sang. J’ai horreur de cette lessive.» Je choisis de répondre aux insultes en opposant des faits précis et véridiques. Naturellement, faute de pouvoir y répondre, Ousmane Sonko aura l’insulte à la bouche. Pour la petite histoire, Ousmane Sonko était venu me voir en novembre 2017, toujours accompagné de Ismaïla Ba, dans le cadre des péripéties de la fermeture des écoles Yavuz Selim. Il avait promis de prendre en charge cette affaire. Il n’en fera rien. Peut-être c’est parce qu’il n’y avait pas de commissions à ramasser sur ce coup-là.
Ousmane Sonko rappelle étrangement un personnage de la série télévisée House of cards, le gouverneur de l’Etat de New York, Will Convay, candidat à la Maison-Blanche. Convay arrive avec une campagne nourrie par une popularité sur les réseaux sociaux, une légitimité enjolivée de soldat modèle et un discours de «Monsieur propre», face à un establishment plus qu’usé et corrompu. La caricature pourrait être proche de ce qui se passe au Sénégal. L’immaturité de ses prises de position, la fougue de ses actions, sa démagogie, le jeu d’équilibriste dans ses turpitudes et la suffisance montrée, finiront par perdre le gouverneur Convay. Espérons que la fiction ne se concrétise pas comme tel pour Ousmane Sonko !
Auteur: Madiambal Diagne