Le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) a dévoilé son rapport annuel 2024, une publication marquante qui révèle l’engagement sans relâche de l’organisation dans la quête de vérités dissimulées et dans la lutte contre la corruption à l’échelle mondiale. Dans un contexte où les libertés de la presse, la démocratie et la transparence sont de plus en plus menacées, l’ICIJ semble redoubler d’efforts pour exposer les abus de pouvoir, les opérations financières secrètes et les mécanismes de blanchiment qui, trop souvent, échappent à la vigilance des citoyens.

Les enquêtes de l’ICIJ de l’année 2024 ont mis à jour des pratiques financières douteuses aux conséquences dévastatrices, révélant la manière dont des élites politiques et économiques échappent à toute forme de contrôle. Parmi les investigations les plus percutantes figure le projet Swazi Secrets, qui a mis à jour un réseau de transactions financières opaques à Eswatini, l’ultime monarchie absolue d’Afrique. Cette enquête a démontré un système où des alliés de la famille royale exploitent des failles dans les contrôles anti-blanchiment pour faire transiter des sommes colossales vers des réseaux internationaux de contrebande. Le royaume, dont la stabilité repose sur des fonds occultes, devient un point névralgique dans le trafic d’or en Afrique australe, avec des liens étroits vers Dubaï.

Cette découverte s’inscrit dans une série d’enquêtes révélatrices menées par l’ICIJ, comme Caspian Cabals, qui a révélé comment des géants pétroliers occidentaux, tels que Chevron et ExxonMobil, ont contribué à renforcer l’emprise du Kremlin sur un pipeline crucial au Kazakhstan, et Inside the IRS, qui a mis au jour les failles systémiques du fisc américain, facilitant ainsi l’évasion fiscale des plus fortunés.

Ces enquêtes n’ont pas seulement eu un impact immédiat ; elles continuent de résonner. Neuf ans après les Panama Papers, des milliards de dollars ont été recouvrés grâce aux efforts des gouvernements, tandis que des enquêtes telles que Implant Files ont permis de conduire des réformes réglementaires cruciales en Europe. Le rapport 2024 revient sur ces victoires, soulignant l’importance des enquêtes menées, telles que celles concernant la banque Nordea et le blanchiment d’argent en Europe, ainsi que les sanctions imposées à Isabel dos Santos, après l’investigation Luanda Leaks.

L’ICIJ, bien consciente des défis rencontrés par les journalistes dans les régions moins favorisées, place un accent particulier sur la formation des professionnels de l’information. En 2024, plus de journalistes ont été formés que jamais, avec un focus particulier sur des compétences essentielles telles que l’analyse de données, la criminalistique financière et la sécurité numérique. L’exemple du projet Swazi Secrets, qui a permis à des journalistes locaux d’acquérir des compétences en matière de traitement des données, incarne la volonté de l’ICIJ de soutenir l’investigation au niveau local. Micah Reddy, coordinateur Afrique de l’ICIJ, souligne l’importance capitale de cette solidarité entre journalistes, dans un contexte où les ressources sont souvent limitées.

Dans un monde où la manipulation des données est devenue une arme dans la guerre de l’information, l’ICIJ mise sur la technologie pour mener ses investigations. En 2024, l’organisation a perfectionné des outils de pointe tels que Datashare et Prophecies, des plateformes qui permettent aux journalistes d’accéder et d’analyser des volumes massifs de données tout en garantissant leur sécurité. Ces outils facilitent une collaboration transfrontalière efficace, indispensable à la détection et à la révélation des dysfonctionnements mondiaux.

L’ICIJ continue d’élargir son réseau, en accueillant de nouveaux membres d’horizons aussi variés que le Kazakhstan et l’Afrique, et en honorant des journalistes aguerris via la création d’une catégorie d’anciens membres. Ce renforcement constant de son réseau témoigne de la vision à long terme de l’organisation pour lutter contre la corruption mondiale.

Avec un revenu de 8,4 millions de dollars en fonds non affectés en 2024, l’ICIJ demeure financièrement indépendant, soutenu par des fondations, des donateurs privés et des milliers de petits contributeurs. Cette indépendance garantit son rôle d’investigateur global, loin des pressions externes.

Le rapport 2024 de l’ICIJ est bien plus qu’un simple bilan. Il est la preuve d’une organisation résolue à dévoiler la vérité là où elle est dissimulée, à exposer les injustices économiques et politiques, et à transformer, pas à pas, un monde où la transparence et la justice restent des aspirations plutôt que des réalités. L’ICIJ, par ses enquêtes rigoureuses et sa collaboration sans frontières, continue de scruter l’ombre et de propulser le changement là où il est le plus nécessaire. Zaynab SANGARÈ