L’île de Gorée, joyau historique classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, est aujourd’hui confrontée à un défi écologique de taille , l’érosion côtière. Pour préserver ce site emblématique et ses vestiges historiques, le gouvernement sénégalais, soutenu par la Banque Mondiale, a lancé un projet ambitieux de protection côtière. Cependant, cette initiative, bien que louable, soulève de nombreuses questions sur la gestion des impacts environnementaux et sociaux.

Le projet WACA (Projet d’Investissement Régional de Résilience des Zones Côtières en Afrique de l’Ouest), visant à renforcer la résilience de l’île face aux risques côtiers, repose sur une étude d’impact environnemental et social (EIES) détaillée. Pourtant, malgré les intentions affichées, des zones d’ombre subsistent. L’EIES, bien que scrupuleuse, n’offre pas une vision complète de la portée des risques environnementaux et sociaux potentiels. Le projet se targue d’une approche intégrée, mais une vigilance accrue s’avère nécessaire pour garantir que la protection de l’île ne soit pas compromise par des effets collatéraux imprévus.

L’une des pierres angulaires de ce projet est la consultation publique, présentée comme un processus clé pour l’intégration des préoccupations des populations locales. Cependant, la question demeure : ces consultations ont-elles permis une véritable inclusion des habitants dans le processus décisionnel ? Ont-ils été suffisamment informés des enjeux et des impacts potentiels du projet, ou ont-ils été laissés à l’écart, confrontés à des décisions déjà prises ? L’acceptabilité sociale, essentielle pour la réussite de tout projet de cette envergure, nécessite plus qu’une simple formalité.

Le Plan de Gestion Environnementale et Sociale (PGES), censé atténuer les impacts négatifs du projet, pose plusieurs interrogations quant à sa mise en œuvre effective. Le déboisement et le défrichement, par exemple, soulèvent des questions sur la protection des espèces végétales et les compensations pour les arbres abattus. De même, des garanties concernant la qualité de l’air et de l’eau doivent être fournies pour s’assurer que les travaux respecteront les normes environnementales, tant sénégalaises qu’internationales. La gestion des déchets, l’une des préoccupations majeures lors de tels projets, reste également floue : comment les déchets seront-ils traités et quels plans seront mis en place pour prévenir toute forme de pollution ?

Un autre point préoccupant est la découverte fortuite de vestiges historiques durant les travaux. Bien qu’un protocole soit prévu, les moyens et procédures pour informer les autorités et arrêter les travaux en cas de découverte restent flous.

L’étude des dangers, élément clé pour anticiper les accidents, soulève de nouvelles interrogations. Quelles sont les réelles mesures prises pour garantir la sécurité des travailleurs et des populations locales face aux risques liés à la construction et à l’exploitation des ouvrages ? Les barrières de sécurité sont-elles adéquates pour prévenir les accidents ? De plus, quel plan est mis en place pour gérer les risques résiduels en cas d’incidents ?

Une surveillance environnementale est prévue tout au long de la durée du projet, avec des indicateurs de suivi. Toutefois, des questions demeurent quant à l’indépendance et à la rigueur de cette surveillance. Comment garantir la transparence des données recueillies et l’efficacité des alertes ? Les mécanismes de redevabilité et de transparence doivent être renforcés pour assurer une gestion efficace et conforme aux normes.

Un mécanisme de gestion des plaintes est censé être mis en place, avec différents niveaux de traitement. Cependant, l’efficacité de ce système reste à prouver. Les délais de traitement seront-ils respectés ? Les décisions rendues seront-elles impartiales ? Les populations locales disposeront-elles d’un véritable recours en cas d’insatisfaction ou de problèmes non résolus ?

Bien que le projet de protection côtière de l’île de Gorée soit crucial pour la préservation de ce site unique, sa mise en œuvre doit impérativement être accompagnée d’une gestion rigoureuse, responsable et transparente. Les questions soulevées par cette enquête exigent des réponses claires et des actions concrètes. Il est indispensable que le développement de ce projet ne se fasse pas au détriment de l’environnement et des populations locales, mais au contraire dans le respect de ces derniers.

Cette vigilance collective sera essentielle pour garantir que la protection de Gorée se fasse dans les meilleures conditions possibles pour ses habitants et son patrimoine.