Même s’il ne fait pas plus de bruit qu’il n’en faut, Issa Sall et le Parti de l’Unité et du Rassemblement (PUR) ne participent pas à l’élection du 24 février pour jouer les figurants. La candidature du PUR est loin d’être une de seconde zone ; elle s’adosse en effet sur des valeurs et convictions très tentantes. En quelques jours de la tenue de la présidentielle, SENENEWS qui s’est proposé de visiter les points forts et faibles des candidats met le curseur sur les chances du PUR et de son candidat.
La discipline et la mobilisation, un label très PUR
Sans avoir besoin d’être un parti aussi structuré que les vieilles formations sur le plan national, le PUR étale, à chaque manifestation, sa force inhérente à son idéologie : l’organisation. Dans un contexte où le paysage politique en temps électoral est corrompu car noirci par des actes de saccage, de vandalisme, et de violence, le parti qui porte la candidature du professeur Issa Sall rompt carrément avec cette façon peu catholique de faire la politique. C’est grâce à cette originalité dans les meetings où il n’y a jamais de casse que le PUR a pu sortir des sentiers battus et fait l’unanimité autour de lui. Aujourd’hui, la discipline de ses militants leur fait une bonne publicité auprès de l’électorat de sept à soixante-dix-sept ans. Tels les puritains, les partisans du PUR adossent leur politique sur l’engagement, la responsabilité et surtout l’éthique. Et la référence à son président, Serigne Moustapha Sy dont le nom constitue une marque de confiance et d’éthique, ne fait qu’augmenter la valeur marchande de ladite formation.
De toutes les formations qui sont en lice pour l’élection du 24 février, le parti du guide des Moustarchidines est celui qui fait le moins de bruit. Il avance à pas de géants cependant, loin des caméras et des réseaux sociaux. La stratégie de la communication « étouffée » ou « sporadique » marche toujours pour ce parti depuis qu’il a renoué avec la politique en 2017. Si lors des législatives de 2017, le PUR a fait un score honorable, le meilleur parmi toute l’opposition sans doute (puisqu’il a eu 3 députés sans coalition), c’est en grande partie dû à son organisation. Pourtant, rares étaient ceux qui pouvaient s’attendre à ce que le parti d’Issa Sall obtînt de si beaux résultats. Au PUR, l’action en mode sous-marin est priorisée et la communication via les médias reléguée au second plan. Alors, il y a naturellement lieu de se demander comment les camarades d’Issa Sall font pour toucher le plus grand nombre de partisans possibles.
La communication en mode « sous-marin » du PUR est en effet cette façon très effacée, mais efficace, d’atteindre sa cible sans qu’aucun radar des parties rivales ne l’intercepte. Si l’on prête bien attention à leur démarche, on se rend compte que non seulement le PUR communique rarement mais aussi la parole est toujours laissée au député Issa Sall sur les questions essentielles. Donc en sus du terrain qu’ils parcourent en permanence, les partisans du PUR dont la plupart sont des talibés de Serigne Moustapha Sy (difficile de faire le distinguo) se voient de façon continue dans les cellules des dahiras. C’est là que se passe la vraie communication mais la discipline des talibés, qui répondent amen à tout ce que le président du parti dit, fait que rien ne fuite.
Cette stratégie a été doublement payante avec le score aux législatives de 2017 et le nombre de parrains obtenus qui fit du PUR la formation qui a engrangé plus que les autres y compris la coalition présidentielle. Même si le guide des Moustarchidines préfère s’effacer et n’apparaître que rarement, son image plane en permanence sur les activités du parti. Lors de la cérémonie d’investiture du 8 décembre 2018, le parti de Serigne Moustapha Sy a étalé son inégalable force de frappe dans une allée des centenaires devenue étroite à cause d’une marée des vert et blanc.
Ce rassemblement et le dernier meeting avant les législatives de 2017 restent les mobilisations de référence du PUR et de ses rivaux tant le nombre fut hallucinant. La discipline des militants du PUR leur est inculquée par lesdites cellules de la Dahira, qui est en vérité une autre forme d’école de parti.
Deux principales faiblesses : le manque de communication externe et l’absence d’une coalition forte autour du candidat.
Si la communication passe à merveille sur le plan interne, elle tangue en revanche sur le plan externe. Même si la stratégie fut payante lors des derniers rendez-vous susmentionnés, elle risque de capoter pour la présidentielle dont l’objectif ne saurait être que la victoire.
Dans cette recherche de voix, la communication demeure un outil indispensable si l’on sait que l’écrasante majorité des votants ne se trouve pas dans les partis politiques. Sans exagérer ou réduire les mérites du PUR, on peut être amené à croire que ce sont les talibés qui ont donné au PUR ses députés à l’Assemblée nationale et non de simples militants. En effet, les membres de la Dahira Moustarchidine Wal Moustarchidati dépassent de loin ce ratio des trois députés et les 60 mille parrains requis pour être candidat. Si le PUR n’a pas eu beaucoup de parrains invalidés, c’est fondamentalement grâce à la fidélité de ses militants/talibés. Mais il ne faut pas se voiler la face, l’élection présidentielle est une autre paire de manche.
Cette absence de communication externe adoptée par le PUR le relègue naturellement au second plan de la bataille médiatique. Et pourtant, comme tous les observateurs le savent, la bonne communication est ce qui fait gagner toute guerre, et elle a la magie de changer les rapports de force. Donc la négliger serait une énorme erreur de monitoring. Le candidat Issa Sall a, pour ainsi dire, besoin d’une vraie équipe de campagne pour imposer son image, lui qui préfère adopter un froid à geler le mercure face au feu dévastateur de ses adversaires à la communication impétueuse. Le résultat d’un tel retrait ou « retraite » risque de ne pas être glorieux puisque « l’opinion pense mal » et gobe tout ce qui se dit sur les médias.
Un autre défi difficile à relever sera la mise en place d’une coalition forte autour du parti de l’unité et du rassemblement (PUR). Le parti d’Issa Sall avait préféré sortir de la coalition « Taxawu Sénégal » lors des législatives et faire cavalier seul pour des raisons dues au choix de la tête de liste. De ce point de vue, il lui sera quasi impossible de bénéficier du soutien des partisans de Khalifa Sall dont la candidature est rejetée. Sans coalition digne de ce nom, l’affluence et l’influence du PUR ne pèseront pas assez lourd pour faire basculer la balance. Ainsi, le parti de l’unité et du rassemblement sera-t-il confiné dans un rôle de faiseur de roi à côté d’autres pôles dominants qui réussiront à former de fortes coalitions.
Ababacar GAYE
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