Une étude menée au Sénégal éclaire la prévalence des virus chikungunya (CHIKV) et o’nyong-nyong (ONNV), deux alphavirus responsables d’épidémies sporadiques en Afrique subsaharienne. Ces travaux, publiés sous forme de préimpression par une équipe de chercheurs multidisciplinaires, apportent des données essentielles sur leur circulation et leur répartition géographique.
Cette étude a été conduite par un collectif de scientifiques regroupant Prince Baffour Tonto, Mouhamad Sy, Ibrahima Mbaye Ndiaye, Mariama Touré, Amy Gaye, Mariama Aidara, Amadou Moctar Mbaye, Abdoulaye Kane Dia, Mamadou Alpha Diallo, Jules François Gomis, Mamadou Samba Yade, Younous Diedhiou, Baba Dieye, Khadim Diongue, Mame Cheikh Seck, Aïda S. Badiane, Bobby Brooke Herrera et Daouda Ndiaye. Cette collaboration illustre les relations des chercheurs locaux et internationaux pour répondre aux défis de santé publique au Sénégal.
L’étude s’est appuyée sur 470 échantillons rétrospectifs prélevés dans trois régions sénégalaises : Sindia et Thiès en 2018, ainsi que Kédougou entre 2022 et 2023. Les échantillons ont été analysés pour détecter la présence d’anticorps IgG et de titres d’anticorps neutralisants via des techniques comme l’ELISA et des tests de microneutralisation. En parallèle, les facteurs de risque d’exposition à CHIKV et ONNV ont été évalués par des modèles de régression logistique.
Les résultats montrent une séroprévalence globale de 38,5 % pour les anticorps IgG contre le CHIKV, avec des disparités régionales notables : 48,6 % à Kédougou, 31,9 % à Thiès, et seulement 14,9 % à Sindia Concernant les anticorps neutralisants, la prévalence était de 7,4 % pour le CHIKV et de 9,8 % pour l’ONNV. Ces deux virus présentent une forte réactivité croisée immunitaire : 82,9 % des cas CHIKV présentent une réponse neutralisante contre ONNV, et 71,7 % des cas ONNV répondent au CHIKV.
Les analyses des facteurs de risque révèlent que les résidents de Thiès sont trois fois plus susceptibles d’être infectés par le CHIKV, tandis que ceux de Kédougou ont un risque quadruplé pour l’ONNV. L’âge est également un facteur prédictif clé : les personnes de plus de 40 ans présentent un risque significativement accru pour les deux infections.
Ces résultats confirment la co-circulation des virus CHIKV et ONNV au Sénégal, soulignant leur prévalence endémique et les risques épidémiques qu’ils représentent. Pourtant, ces alphavirus restent sous-estimés, en partie en raison de l’absence de diagnostics systématiques en dehors des flambées majeures.
Pour les chercheurs, cette étude souligne l’urgence de mettre en œuvre une surveillance accrue, notamment dans les zones rurales reculées comme Kédougou, où les risques sont exacerbés par des conditions environnementales et climatiques favorables aux moustiques vecteurs. En outre, ces travaux plaident pour des initiatives communautaires et des campagnes de sensibilisation, afin de minimiser l’impact de ces maladies.
Les échantillons analysés proviennent d’études antérieures sur le paludisme et d’autres maladies non paludéennes. Ces recherches ont été conduites dans le respect des directives éthiques internationales, conformément à la Déclaration d’Helsinki, et ont reçu l’approbation des comités d’éthique sénégalais et internationaux, notamment le CIGASS Institutional Review Board.
Alors que le changement climatique et l’urbanisation favorisent l’émergence de maladies vectorielles, cette étude constitue une base scientifique essentielle pour guider les politiques de santé publique au Sénégal. Les auteurs insistent sur la nécessité d’une approche intégrée, combinant diagnostics, vaccination et surveillance épidémiologique, afin de réduire la prévalence et les conséquences socio-économiques de ces infections.
En mettant la lanterne sur les disparités géographiques et démographiques des infections, ce travail appelle à une mobilisation accrue des autorités sanitaires et des bailleurs de fonds pour protéger les populations vulnérables. Zaynab Sangaré