Ils sont nombreux, les sénégalais, à se dire qu’il n’est pas possible d’organiser des élections dans ces conditions de chaos. Et parmi eux, des personnalités qui ont une large expérience politique.
Bien sûr, la logique voudrait que les législatives se tiennent. Mais, il ne sert à rien de les organiser dans des conditions de confusion totale avec un risque élevé de troubles graves à l’ordre public.
Parce que nul n’ignore que l’exclusion des listes de ténors de l’opposition a mis le feu au poudre et créé une situation permanente de tension. Donc, la question de l’opportunité du report devient pertinente. Mais la question de sa faisabilité se pose aussi avec acuité, surtout sur le plan juridique. Car, sur le plan matériel, il est possible de les décaler de quelques semaines.
Bien sûr, juridiquement, à l’impossible, nul n’est tenu. La force majeure et les situations de cas fortuits sont prévues en droit. Et les menaces d’atteinte grave à l’’ordre public peuvent justifier ainsi une telle décision. Nul besoin que la loi en parle. Mais, sans un dialogue politique et un consensus, il sera difficile de revenir en arrière. Mieux, il faudrait que, le Conseil constitutionnel, saisi une nouvelle fois, montre la voie en permettant par exemple à tous les candidats recalés de participer aux élections.
Autrement, ce sera le statu quo ante et le fait de reporter les élections ne servira à rien. Mieux, on peut penser même les coupler avec la présidentielle prochaine même si par ailleurs, la prorogation des mandats des députés va poser problème. Qu’à cela ne tienne, ce serait une décision sage pour réconcilier la classe politique et éviter qu’il y ait autres morts inutiles d’hommes.
Toutefois, la démarche, pour salutaire qu’elle soit, n’en recèle pas moins un risque. C’est que l’opposition radicale incarnée par Yewwi Askan wi va jubiler, déclarer victoire et considérer que pour toute revendication ultérieure, il suffira de descendre dans la rue et de mettre le maximum possible la pression sur le pouvoir. Cela donnera du fil à retordre au régime en place et même aux forces de défense et de sécurité car cela n’empêchera pas l’opposition à programmer des manifestations parce qu’elle est convaincue que c’est la seule façon de pousser Macky à ne pas prétendre à une troisième candidature. Car, en toile de fond, cette opposition se bat contre toute velléité de troisième mandat. Ce qui fait que leurs contestations sont loin d’être circonscrites à la seule question électorale liée aux législatives.
C’est pourquoi, même si la situation est difficile et pourrait dégénérer, le régime en place, informé, pourrait être tenté à aller jusqu’au bout pour tenir les législatives à date échue. Il appartient dès lors aux sénégalais, de prendre conscience du fait que l’apaisement politique ne sera pratiquement pas observé d’ici 2024 à moins que Macky ne se prononce en défaveur de la troisième candidature.
Du coup, les manifestations, il faudra faire avec. C’est pourquoi, l’effort supplémentaire qu’il faudra faire, c’est d’essayer de les autoriser et de les encadrer malgré les dispositions de l’article 61 de la Constitution qui parle de la période de précampagne électorale. Nous pensons que c’est là où le pouvoir en place doit faire des concessions pour éviter tout débordement tout en veillant sur la sécurité des biens et des personnes.
Assane Samb