Dans la famille Le Pen, je voudrais le père, la fille, le gendre, l’autre fille, la nièce, le neveu, bref, tous ceux liés par le sang, pas toujours par le talent. Car ce parti, né en 1972, n’a eu de cesse, tout au long de son existence, de créer les conditions adéquates pour ne jamais déborder du cadre, si bien qu’on ne sait jamais s’il s’agit d’une PME familiale ou d’un véritable parti. Que le népotisme « abus de quelqu’un qui use de son autorité pour procurer des avantages aux gens de sa famille », d’après le Larousse soit monnaie courante en politique, c’est un fait, mais qu’il soit à ce point mis en place, assumé et voyant est propre au RN, à sa structure-même. Jean-Marie Le Pen a fait la carrière de sa fille, sa fille celle de son ex-mari (Louis Aliot), il ne faut jamais l’oublier. Seule rescapée de cette petite famille, Marion Maréchal, laquelle a eu raison d’enlever la mention « Le Pen » de son patronyme, de détacher les quelques liens officiels certains diront officieux qui la liaient avec sa famille. Et puis en politique, y a pas d’sentiments…

Au vu de son incapacité à proposer un programme qui tienne la route et de ses scores faiblards, peut-être le RN devrait-il radicalement changer sa manière de faire de la politique ?

À toute organisation de ce type, son conseiller spécial, son consigliere comme on dit dans le sud de l’Italie : Lorrain de Saint Affrique pour Le Pen père (qui le suit encore), Florian Philippot puis Pascal Humeau pour Marine ; son sous-chef (et neveu) : Jordan Bardella qui donne des ordres à des sous-sous-chefs (« caporegime ») (Lacapelle, ami de longue date de la Présidente, Bay, Ravier et deux-trois autres) lesquels gèrent de « bons » soldats (Briois, Rachline et ainsi de suite) prêts à tout pour faire plaisir au clan, à se faire remarquer pour tenter naïvement, de monter dans la hiérarchie… jusqu’à perdre tout leur souffle dans les quelques marches qu’ils leur restent pour atteindre la gloire… Car la nomination de Jordan Bardella son score ridicule aux régionales ? La faute des bobos et puis c’est tout ! au poste de président par intérim le temps de la campagne, n’a rien d’anodin ; c’est la perpétuation d’un système clanique ; un message envoyé aux collègues et adhérents qui peut se résumer ainsi : « vous qui nous soutenez, vous qui nous aidez, vous qui vous sacrifiez, sachez que nous privilégierons les nôtres d’abord. Et vous ensuite, éventuellement… »

Le RN a toujours montré patte blanche dans son organisation certes, mais peut-être, au vu de son incapacité à proposer un programme qui tienne la route, novateur, de ses scores faiblards, ses têtes de listes idem, devrait-il radicalement changer sa manière de faire de la politique. Oui, ils sont à la télévision, parlent, débattent, mais le fond et surtout la structure reste inchangés. Des personnalités publiques, des gens de la culture, des sportifs ? On verra plus tard, pour l’instant, restons groupir ! Leurs soldats sont parachutés dans les villages, les banlieues, les villes moyennes incapables de remporter les métropoles pour donner un semblant de démocratie, une impression de famille élargie…alors que les véritables décideurs, ceux qui ont le pouvoir, se comptent sur les doigts d’une main. Le sociologue italien Robert Michels avait décrit ce phénomène la « loi d’airain de l’oligarchie » dans son livre prophétique Les Partis Politiques (1911) et expliquait que toute organisation politique ou non, démocratique ou non à la base, devenait, de fait, une oligarchie où quelques élites se partageaient le pouvoir au détriment des électeurs. Si l’on peut appliquer cette théorie à tous les partis politiques en place actuellement, il est intéressant de voir que le RN y a ajouté une dimension familiale, bien plus perverse, bien plus pernicieuse. Et puis, le simple fait d’appeler le chef « Marine », comme une mère, une tante ou une bonne copine, est très révélateur de la manière dont le parti est structuré. Pourquoi rire des Insoumis et leur « Jean-Luc » national, indépassable ? Puisque le premier parti de France fait exactement la même chose…

Que Jordan Bardella représente la nouvelle génération du RN, très bien, mais de là à le propulser aussi haut, aussi fort, est étrange pour ne pas dire ridicule.

Et puis, qui a eu la fabuleuse idée de placer un homme de vingt-six ans son parcours est impressionnant et singulier, c’est une évidence, à la tête d’un parti politique ? Quid de l’expérience, de la pensée ? Car, entre nous, ses interventions télévisuelles ressemblent bien trop souvent à un par-cœur de premier de classe (les pires de tous !), une récitation où pas une virgule, pas un point de suspension n’est oublié. Comment installer un jeune homme avec aussi peu d’idées il n’y avait qu’à regarder les débats des régionales… , à un poste aussi important ? Que Jordan Bardella représente la nouvelle génération du RN, très bien, mais de là à le propulser aussi haut, aussi fort, est étrange pour ne pas dire ridicule.

Quant aux Ravier, Chenu, Mariani (les amis de la famille, ceux qui prennent parfois trop de place, qu’on n’a pas envie de voir tous les dimanche) ? Ils sont lâchés dans leurs régions de naissance, pour le côté « attaché au terroir », « ici, je connais bien » et tentent de survivre médiatiquement le temps d’une campagne histoire de bien se faire voir au sens propre par la patronne. Malheureusement pour le cercle extra-familial, les campagnes se font pénibles, désorganisées, parfois à la limite des plus grands vaudevilles comme l’a décrit le journaliste du Monde Franck Johannès et qui raconte les coulisses du sieur Chenu : gouffre financier, escroqueries, amateurisme et autres… Comme si l’entreprise familiale rechignait à lâcher quelques billets aux « autres », à leur tendre la main ; comme si elle les prenait pour des poilus de 14, des premières lignes, prêts à se prendre une balle perdue, faire le sale boulot à sa place. Et puis, s’ils ne sont pas élus, pas grave ! tant qu’on reste ensemble, soudés, unis au sein de la tribu…tant que Marine est contente…