La polémique continue dans le dossier des « 94 milliards ». Après le « Forum du justiciable » qui a saisi le Procureur de la République d’une requête interpellative, c’est autour du ministre de l’Economie, des Finances et du Plan, de s’exprimer sur le sujet, pour la première fois. Même s’il se défend de vouloir répondre sur un sujet exposé à travers un meeting, il a finalement détaillé sa part de vérité. De passage à l’Assemblée nationale dans le cadre de la loi de finances rectificative, Amadou Bâ, interpellé sur le sujet par un député de l’opposition, n’a pas évité la question qui oppose un de ses agents, le Directeur des Domaines, Mamour Bâ, à un de ses ex-agents, l’ancien Inspecteur des Impôts et Domaines, Ousmane Sonko, désormais candidat à l’élection présidentielle de février 2019. Nous vous proposons in extenso les explications du ministre des Finances, dont vous pouvez également voir l’intervention (en Wolof) à travers la vidéo de nos confrères de Dakaractu.
INTERPELLATIONS DE SONKO
« J’estime que le ministre des Finances n’a pas à répondre de propos déclarés dans des meetings. J’estime que quand on est député (c’est le cas d’Ousmane Sonko, ndlr), on a quelque part où l’on peut s’exprimer aisément, pour peu qu’on argument et qu’on apporte les preuves de ses allégations, en plus on y bénéficie d’une immunité (parlementaire). Mais, quand on a d’autres préoccupations Oud ’autres objectifs, c’est un autre problème. Parce que là, on sort de la rationalité. Avec tous les montants qu’on cite à gauche et à droite, on dit parfois 94 milliards (le montant dont Sonko accuse Mamour Diallo de détournement, ndlr), parfois de 46 milliards (le montant qui serait déjà décaissé selon Sonko, ndlr), parfois on dit 3 milliards (3,4 milliards, le montant qui serait décaissé selon Mamour Diallo, ndlr), il faut savoir que c’est un titre qui date de 1959. Il faut que ça soit clair. Ce n’est donc pas quelque chose que quelqu’un a pu créer d’un coup de tête. Et cela porte sur 258 hectares. Pour ceux qui ne savent pas, ça fait 2,580 millions mètres carrés ! »
ORIGINE DU LITIGE FONCIER
« Il faut savoir également qu’entre 1978/1979, la famille a vendu le titre à SAIB Indépendance. Le titre a fait l’objet de contestations de la part de membres de la famille à partir de 1995. Les héritiers sont allés au tribunal pour contester la vente. En 1997, l’Etat du Sénégal, dans le cadre des projets des parcelles assainies, a engagé des procédures d’expropriation. L’Etat a pris 121 hectares au moment à l’époque, un acompte de 605 millions avait été payé à l’époque à SAIB Indépendance. Pour le reste, l’Etat a procédé à un échange. »
PREMIER DÉBUT DE RÉSOLUTION
« Le 9 février 2012, je précise la date pour éviter qu’on ne croit que le président est venu et à … (il ne continue pas sa phrase, insinuant que cela s’est fait avant l’installation de l’actuel président, Macky Sall, au mois d’avril 2012, ndlr). Le 9 février 2012, après plusieurs années de contestations, le tribunal a décidé de casser la vente. Cela veut dire que tout ce qui a été fait est nul. Les héritiers ont rencontré Sofico, pour lui vendre la créance. La cession de créance est une activité régulière connue. Cela a été homologué. Dans la zone, le barème tourne autour de 25 000 F CFA. Qui est le barème indicatif. Il y a une commission de conciliation qui se réunit pour voir comment ajuster ce barème pour éviter qu’on aille au tribunal sinon c’est le juge des expropriations qui décide. C’est la loi. »
EVALUATION PAR UN EXPERT COMMIS PAR LE TRIBUNAL
« Quand Sofico a eu cette homologation et que le tribunal a cassé la vente, personne ne pouvait plus contester que l’Etat devait désormais de l’argent aux héritiers. Quand le tribunal a commis un expert pour évaluation, ça tournait autour de 250 milliards F CFA. Le rapport est là. Donc si la commission d’évaluation arrête un montant inférieur à celui fixé par l’expert commis par le tribunal, je crois que tu arranges l’Etat. N’oubliez pas qu’on parle de 2,580 millions de mètres carrés. C’est sur ces entrefaites que la procédure de paiement a démarré. C’est au niveau de la Direction des Domaines que les crédits sont gérés. Il n’appartient au ministre des Finances de dire que telle personne a ceci ou cela ici. Chaque opérateur économique peut avoir un, deux ou cinquante opérations avec l’Etat. Je ne peux pas venir aujourd’hui vous dire que Massamba a une créance de 10 ou 15 milliards de cette façon. Quand un opérateur dit qu’on ne l’a pas payé, il ne dit jamais sur l’année, combien on lui a payé et combien on reste lui devoir (…) »
PROCÉDURE DE RÉSOLUTION DÉFINITIVE
« Pour la procédure, le ministre du Budget viendra détailler, mais c’est pour dire que la procédure est tout à fait claire, légale et transparente. Maintenant, quand on est dans la politique, il nous arrive de fantasmer, de chercher à nuire, de chercher à détruire. Ça s’est un autre problème. Mais nous saluons cette décision de l’assemblée qui va permettre, de manière transparente, que le ministre des finances puisse devant l’assemblée, devant le peuple, dire exactement ce qui s’est passé ne pose aucune difficulté, aucun problème. La gouvernance décidée par le président Macky Sall, c’est une gouvernance transparente, vertueuse. Il est tout à fait normal de critiquer, mais je pense que l’honnêteté intellectuelle, la rigueur, exige, que quand on aborde un dossier, on le fasse de la manière la plus professionnelle, la plus sérieuse. Que quelqu’un qui a été exproprié cherche le plus possible, c’est tout à fait normal et régulier. Il appartient à l’Etat de préserver les intérêts du Trésor public. Et c’est ce qui a été fait, dans cette opération, de bout en bout. »
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