L’Afrique franchit une étape majeure dans la lutte contre le changement climatique avec l’enregistrement du Mécanisme des bénéfices de l’adaptation (ABM) sur la plateforme des approches non marchandes de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Initié par la Banque africaine de développement (BAD) en 2019, ce mécanisme devient ainsi la première approche de coopération internationale dédiée à l’adaptation dans le cadre de l’Accord de Paris.
L’ABM se distingue par son approche innovante permettant de certifier et monétiser les bénéfices de l’adaptation grâce à des méthodologies rigoureuses et une vérification indépendante. Contrairement aux mécanismes basés sur le marché, qui reposent généralement sur la compensation carbone, l’ABM valorise directement les avantages économiques, sociaux et environnementaux des projets d’adaptation.
Ce mécanisme vise à attirer de nouveaux financements publics et privés en rendant les coûts d’adaptation transparents, accélérer la transition des pays africains vers des économies résilientes et bas-carbone, et appuyer les rapports nationaux sur le climat, le suivi des Objectifs de développement durable (ODD) et les indicateurs ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance).
L’enregistrement de l’ABM en décembre 2024 sur la plateforme de la CCNUCC marque un tournant décisif. L’Ouganda, avec le soutien de plusieurs pays africains dont le Nigeria, le Kenya, Madagascar, le Bénin, la Gambie et la Guinée, a porté cette initiative à la COP 29 de Bakou.
« Nous avons besoin de toutes les sources de financement climatique disponibles pour rendre nos pays résilients. L’ABM est une opportunité unique de mobiliser de nouveaux acteurs et capitaux », souligne Bob Natifu, point focal national de l’Ouganda pour l’article 6.8 de l’Accord de Paris.
La démarche est également appuyée par des institutions financières et des organisations spécialisées, telles que la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), le Centre international pour la recherche en agroforesterie (CIFOR-ICRAF), et la Société sénégalaise de gestion des déchets (SONAGED).
L’ABM crée une passerelle entre les besoins d’adaptation et les investisseurs, en certifiant et en valorisant les bénéfices des projets climatiques. Il facilite ainsi l’accès au financement pour les porteurs de projets africains et dé-risque les investissements dans l’adaptation, un enjeu clé alors que le financement climatique reste largement concentré sur l’atténuation.
« Il est temps que l’adaptation bénéficie de mécanismes incitatifs. L’ABM peut accélérer la diffusion de solutions adaptées aux réalités locales et cruciales pour les populations vulnérables », affirme Anthony Nyong, directeur du changement climatique et de la croissance verte à la BAD.
Avec cet enregistrement, l’ABM devient un modèle de coopération internationale pour l’adaptation. De nouveaux pays et organisations devraient rejoindre l’initiative dans les prochains mois, renforçant ainsi le rôle de l’Afrique comme acteur clé de l’innovation climatique mondiale.
L’enjeu désormais, mobiliser les financements nécessaires pour déployer le mécanisme à grande échelle et assurer la résilience des territoires les plus exposés au changement climatique. Par Zaynab Sangaré