Huit ans après l’avoir quitté en catastrophe sous la pression de la rue, Blaise Compaoré a de nouveau foulé le tapis rouge du palais de Kosyam, ce vendredi 8 juillet. L’ancien président, démarche lente et amaigri dans son costume bleu nuit, avait été convié par le lieutenant-colonel Damiba – en compagnie des autres ex-chefs de l’État burkinabè – à participer à une rencontre de « haut niveau » pour promouvoir la réconciliation nationale.
Mais les choses ne se sont pas tout à fait passées comme prévu. Beaucoup de Burkinabè n’ont en effet pas digéré le retour en toute impunité de Compaoré, arrivé à Ouagadougou la veille après huit ans d’exil en Côte d’Ivoire, alors qu’il avait été condamné début avril à la prison à perpétuité pour son rôle dans l’assassinat de Thomas Sankara.
Kaboré se tient à distance
Depuis, la polémique n’a cessé d’enfler. Conviés à la rencontre, Michel Kafando et Yacouba Isaac Zida, qui avaient dirigé la transition post-Compaoré en 2015, ont vite fait savoir qu’ils ne comptaient pas participer. Idem pour Roch Marc Christian Kaboré, qui est resté chez lui et n’a pas souhaité être associé à cette initiative. Dans la matinée, plusieurs dizaines de ses militants s’étaient mobilisés autour de son domicile, au quartier de la Patte d’Oie, pour protester contre une éventuelle participation à cette rencontre.
C’est donc sans eux que Blaise Compaoré et Jean-Baptiste Ouédraogo ont été reçus par Paul-Henri Sandaogo Damiba à Kosyam, avec près de deux heures de retard sur le planning initial. À l’issue de l’entretien, les trois hommes se sont présentés devant la presse à l’entrée du palais présidentiel. Mais seul Damiba a parlé, Compaoré et Ouédraogo se contentant de lui serrer la main à la fin de sa courte allocution.
Selon le président de la transition, le « seul et unique objectif de cette rencontre avec les anciens chefs de l’État » est la « recherche de la cohésion sociale au regard de la situation difficile que traverse » le Burkina Faso. « En plus des efforts fournis par les forces engagées et l’ensemble des populations contre les terroristes, il nous est apparu opportun d’examiner avec nos prédécesseurs les conditions qui pourront forger une solide cohésion entre les Burkinabé », a démarré Damiba.
L’intérêt supérieur du Burkina Faso
Puis l’officier, accusé par ses adversaires de travailler au retour du régime Compaoré, a tenu à répondre aux critiques. « Beaucoup de communications partisanes ont voulu dénaturer le sens et la portée de cette initiative. L’urgence de la préservation de l’existence de notre patrie commande une synergie d’actions qui ne nous autorise pas à nous donner le luxe de perdre du temps en polémiques, a-t-il indiqué. Aux Burkinabè qui se sont exprimé en défaveur de notre démarche, nous leur disons que ce processus n’est pas fait pour consacrer l’impunité, mais pour contribuer à la recherche de solutions pour un Burkina Faso de paix et de cohésion. Nous les appelons à mettre l’intérêt supérieur de la nation au-dessus de toute considération politique ou partisane. »
Rappelant qu’il les avait conviés, Damiba a également évoqué le cas des trois absents. Selon lui, Michel Kafando n’a pas pu se présenter « pour des raisons de santé », mais a envoyé un « message de soutien ». Zida, exilé au Canada depuis 2016, n’a quant lui « pas pu faire le déplacement pour des raisons administratives ».
Compaoré dans son village natal de Ziniaré
Quant à Kaboré, il a, d’après Damiba, été « physiquement empêché par un groupe d’individus » de participer à la rencontre. Une version officielle dont lui-même semble douter, puisqu’il a pris soin de « l’inviter à ne pas se mettre en marge de la démarche en cours ». Selon le président, des dispositions seront prises pour « poursuivre en bilatéral les concertations avec les anciens chefs d’État qui n’ont pas pu participer à la rencontre », mais aussi « limiter les résistances politiques et associatives ».
Après avoir passé une nuit dans la « villa Kadhafi » appartenant à l’État et située à proximité de Kosyam – elle est ainsi nommé car l’ancien dictateur libyen y avait logé lors d’un voyage à Ouagadougou à la fin des années 1990 –, Blaise Compaoré pourrait se rendre à Ziniaré, son village natal, où se situe la résidence familiale et où réside sa sœur, Antoinette. Selon l’un de ses proches, il regagnera ensuite Abidjan « dimanche au plus tard ».
Jeune Afrique