«Nos démocraties doivent dépasser la centralisation des élections locales et permettre que les processus de renouvellement puissent se faire au niveau local avec des organes de contrôle locaux…Dans le raisonnement de Khalifa Sall, si on gagne les locales, on peut briguer un troisième mandat…» Explique l’Ex DG de la Sapco lors de son entretien avec le quotidien l’Exclusif.


Membre de l’alliance pour la République (APR) et de la Task Force républicaine(TFR), Me Aliou Sow va participer aux élections locales de 2022. Investi par la convergence patriotique pour la justice et l’équité NAy LEER pour la mairie et le conseil départemental de Vélingara, l’ancien DG de la Sapco fait une réapparition sous un nouveau visage, celui de tout rafler sur son passage en perspective des locales du 23 janvier prochain. Dans cet entretien, l’avocat réaffirme son ancrage dans l’APR et se ne laisse aucun point en suspens. A bâtons rompus, Aliou Sow se livre.

C’est l’une des grandes faiblesses de notre système démocratique. Nous avons tendance à reléguer au second plan, le mandat des collectivités locales. Si on regarde bien, en ce qui concerne le mandat du président de la République, il y a une observation stricte de la durée du mandat. Il en est presque de même pour les élections législatives. Mais à chaque fois qu’il s’est agi des élections locales, presque pour tous les régimes qui se sont succédé, les élus ont tendance à doubler la durée de leur mandat sans aller aux élections. La prolongation du mandat des élus locaux est une pratique politique qui porte atteinte à l’égalité de chance des citoyens et même au principe de la libre administration des collectivités locales. Nos démocraties doivent dépasser la centralisation des élections locales et permettre que les processus de renouvellement puissent se faire au niveau local avec des organes de contrôle locaux et s’appuyer sur les juridictions d’instance et les cours d’appel de leur ressort. Ce serait la traduction la plus vivante du principe de libre administration des collectivités locales. Je pense d’ailleurs que les prochaines réformes du code électoral devront intégrer cette approche. Je considère, au même titre, qu’on sacralise la durée du mandat du président de la République et des députés, nous devons observer de manière stricte le respect de la durée du mandat des collectivités locales. Parce que c’est la base de notre système démocratique et de notre système de participation politique qui est en jeu. Je pense que notre pays est en train de vivre, quelque part, la 3ème génération en termes de décentralisation. On a eu une décentralisation qui était sélective avec les quatre communes, on en a eu celle de plein exercice, suivie des communes rurales, et aujourd’hui, avec l’Acte 3, nous avons une communalisation intégrale. Les compétences et les missions confiées doivent nous sortir des mandats de figuration ou de complaisance, et pousser à la représentation. Il faudrait que les populations mettent en place des dispositifs de contrôle des élus pour assurer une certaine performance de gestion. On met autant d’énergie pour les élections, mais on n’en met pas autant pour gérer de manière efficace et efficiente les collectivités locales. Il faudrait qu’il y ait des contrats de performance, des mécanismes d’évaluation des collectivités locales qui ne soient pas forcément des mécanismes étatiques. Aujourd’hui, pourquoi ne pas réinventer en termes de présence dans les conseils municipaux et départementaux pour sortir les collectivités de la tyrannie des partis politiques. J’aperçois dans l’avenir que ces élections soient plus marquées par les associations, les groupements etc.

Malgré la survenue de l’Acte 3, nombreuses sont les collectivités locales à éprouver des difficultés pour trouver les moyens financiers pour booster les initiatives de développement. Comment vous l’expliquez?

Il y a d’abord, le problème du dédoublement fonctionnel qui vient du fait que l’État central délègue des compétences aux collectivités locales, mais initie des programmes qui absorbent ceux desdites collectivités. On peut le voir dans les domaines de la santé, de l’éclairage public, de l’éducation et dans beaucoup d’autres domaines. On voit que l’État central est parfois en concurrence avec les collectivités locales. Ce qui rend certaines d’entre elles frileuses ou, à la limite, sans initiatives, laxistes et sans aucune obligation de résultat. La plupart des maires du Sénégal revendiquent les réalisations du Président à travers son gouvernement. Parce qu’elles se disent que, de toutes les façons, l’État viendra faire la même chose. Il faudrait, par conséquent, voir comment, en termes d’affectation de ressources, ou de transfert de compétences, permettre aux collectivités locales de produire leurs propres politiques publiques? Puisque qu’en définitive, c’est ça en fait le rôle de la décentralisation. En effet, là où la décentralisation doit avoir un sens, c’est que les collectivités locales qui ont des compétences transférées, puissent bénéficier largement du principe de la libre administration de leurs collectivités. Que ces collectivités puissent, à partir des potentialités du terroir, inventer des politiques qui collent directement aux réalités des populations. On constate, que par moment, il y a un dédoublement fonctionnel, et au-delà, il y a quelque part, un paternalisme de l’État central qui continue d’étouffer le développement des collectivités locales.

Vous avez été le président du Conseil national de la jeunesse du Sénégal (Cnjs) et vous êtes ancien Dg de la Sapco. Mais tout de même, certains considèrent que vous êtes sans base politique effective. Comment cela est-il possible?


Vous savez, une base politique, elle se construit dans le temps et dans l’espace avec l’objectif de créer une conscience politique. C’est une construction permanente. En tout cas, une base politique à Vélingara, certains vous diront oui, une base politique sur le plan national, certains diront oui toujours. S’il est vrai que dans mon Fouladou natal, je bénéficie d’une large attention des populations, je ne me plains d’avoir partout au Sénégal des amitiés fraternelles qui me donnent le courage de rester un militant. Est ce qu’il a eu à se préoccuper des populations, je pense que oui. Est-ce que Me Sow est dans le dialogue générationnel, oui toujours, est ce que Me Sow a une vision pour son pays où pour sa localité, oui encore et toujours. Et est ce qu’il est en contact avec les citoyens sénégalais, c’est son quotidien. Si c’est ça avoir une base politique, alors là appréciez-vous même. Mieux je m’étais soumis à la dure réalité des élections pour devenir président du conseil national de la jeunesse. Je n’ai, par contre, jamais posé d’acte de candidature pour être maire ou député. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé, cette fois ci, de m’y mettre pour participer aux élections locales. Je veux faire partie de ceux qu’on compte, parce que j’étais dans ceux qu’on pèse. Je ne veux pas seulement rester parmi ceux qui pèsent, mais parmi ceux qui pèsent et comptent.


Vélingara a toujours connu des leaders forts mais depuis un bon moment, rares sont ceux de la localité qui s’imposent sur le plan national. Quelle réponse y apporter?


Il y a certes une classe politique émergente qui augure d’un réel renouveau non pas du personnel politique mais surtout du leadership. C’est une alternance générationnelle qui va s’imposer. Le processus est irréversible. Il y a, au niveau de notre collectivité locale et au niveau de certaines de nos circonscriptions, des gens qui ont fait leur temps et qui doivent céder la place pour permettre à une nouvelle génération qui a une vision, qui a des idées, le souci du progrès, de créer de la croissance, de la valeur ajoutée, d’accéder aux responsabilités et de s’exprimer. Nous avons le parcours, les amitiés, les réseaux qui permettent de donner une autre image à notre ville, à notre département et j’en suis convaincu, ce n’est pas un vœu pieux que nous sommes en train de lancer, mais nous sommes convaincus qu’à l’instar d’autres jeunes de notre génération, nous pouvons apporter à nos collectivités.


La sortie du Présidente de la République pour amnistier Khalifa Sall et Karim Wade, comment l’appréhender? Et quelle configuration politique pour la suite selon vous?


Ça va permettre de rebattre les cartes. La po- litique, ce n’est pas un long fleuve tranquille, elle n’est pas forcément linéaire. Ses développements sont à géométrie variable. Je pense que si cela ar- rivait à se matérialiser, nous arriverions à un bou- leversement total du jeu politique. On ne sait pas si en politique on peut parler de remontada comme en sport, mais il y a des gens qui vont res- ter à l’arrière de la course.
Remontada en faveur de qui?
Mystère et boule de gomme, on verra.
Mahmoud Saleh avait récemment déclaré que les résultats des locales seront détermi- nants pour un éventuel mandat présidentiel. C’est votre avis?
Je sais que c’est un grand stratège politique. Il ne parle pas en l’air. Il a même montré du doigt tout l’enjeu de ces locales. À la première lecture, je me suis dit pourquoi il le dit. Est ce qu’il n’est pas en train de nous mettre, tous, la pression, en tout cas, sur tous les acteurs de la mouvance présidentielle? Ou bien, il peut être amené à poser un des paradigmes les plus sensibles de ce qui nous attend après. Mais l’un dans l’autre, c’est qu’il ne l’a pas dit par émotion.

Mais quand Khalifa Sall dit qu’il faut barrer la route à un 3ème mandat de Macky Sall, en faisant perdre les locales à Benno Bokk Yakaar… Quel commentaire?

J’aime bien répondre à cette question par un raisonnement à contrario qui signifierait que si Macky Sall gagnait les élections locales, il sera valablement candidat en 2004! En tout état de cause, les élections locales ne seront pas gagnées par une mouvance politique, mais elles seront gagnées par les populations qui ont envie de s’exprimer, qui ont envie de participer. Maintenant, quel est le positionnement que les partis auront dans l’éventualité d’une victoire? Je parle de récupération des victoires, et peut être même, les résultats vont nous faire oublier toutes nos équations. Mais dans le raisonnement de Khalifa Sall, si on gagne les locales, on peut briguer un troisième mandat. Tel qu’il pose la question, il donne cette possibilité.