L’accession à la souveraineté internationale de la majorité des Etats africains dans les années 1960 fut accompagnée par un défi : l’intégration. Ce défi né de la volonté des pays africains d’améliorer leurs positions au sein de la division internationale concourt à la création de zones d’intégration régionale.
Le continent africain était morcelé « sur la base de caractéristiques géographiques telles que les fleuves, les montagnes, les tracés méridiens… »
Les Etats africains étaient « vulnérables » face aux défis du monde contemporain. Ils étaient confrontés à des problèmes économiques de la restructuration postcoloniale. Paradoxalement, ces Etats devenus, alors, souverains résistent vigoureusement à toute politique d’intégration et ont même donné une interprétation exagérée de leur souveraineté. Ils sont certes prêts à coopérer, mais se cramponnent toujours à la souveraineté, symbole de leur existence individuelle ; ils ne veulent pas de « sevrage » brutal de cette nouvelle réalité. (Il est aujourd’hui clair qu’en faisant une analyse holistique de la situation africaine, cet état d’esprit persiste toujours chez certains dirigeants africains). C’est dans ce contexte que le Président Sénégalais de l’époque déclara à Addis Abéba en mai 1963 « Si nous ne voulons pas aller à l’échec…, il serait bon que nous méditions les exemples européens et américains. Nous serons prudents en avançant pas à pas et par étapes. Vouloir du premier coup bâtir une fédération ou simplement une confédération… c’est, j’en ai peur, nous préparer à un échec cuisant à bref délai…». On peut ici retenir que l’idée que le Président L. S. Senghor avait de l’unité africaine était très européenne.
Cela dit, l’unité du continent se heurte aux unités régionales. Pour certains il faut d’abord des unités régionales et ensuite créer une unité africaine. C’était la position de Jomo Kenyatta qui affirmait : « je veux voir d’abord l’Afrique orientale unie et fédérée, ce sera ensuite le tour de toute l’Afrique d’être unifiée. ». Mais pour d’autres, les groupements régionaux une fois constitués seraient plutôt des obstacles à la réalisation du projet des Etats Unis d’Afrique. A ce sujet, les déclarations des Chefs d’Etats en mai 1963 sont contradictoires et la charte d’Addis-Abeba est restée muette sur la compatibilité entre OUA et les organisations régionales. Le Président Séckou TOURE réclamait la dissolution de toutes les organisations régionales préexistantes, et dans ce sens, il disait : « La charte de Casablanca et de Monrovia (mai 1961) ont été des tentatives d’unité africaine et des moyens d’accélération des processus historiques de l’Afrique Unie. »
Le principe de la compatibilité entre unité régionale et unité africaine fut retenu. La résolution CM/RES (Première réunion des ministres des affaires étrangères de Dakar (2- 11aout 1963)) adoptée par le Conseil des ministres sur les groupements régionaux reconnait, formellement que le sous régionalisme était compatible avec le continentalisme.
C’est ainsi que, plusieurs organisations interafricaines à compétences diverses ont vu le jour comprenant surtout des organisations à caractère politico-économique, de coopération technique. On assiste donc à un foisonnement d’institutions en Afrique. De ces organisations, force est d’admettre que la CEDEAO a connu un parcours tumultueux, une intégration au sommet et parfois excluant les populations à la base.
Le temps d’une mise à jour de la CEDEAO a sonné depuis fort longtemps, avec la résurgence des coups d’état constitutionnel entrainant des coups de force militaires. L’organe communautaire est fortement ébranlé par le non-respect de ses directives et recommandations et la conférence des chefs d’Etat joue forcément un rôle non négligeable dans l’échec de la CEDEAO.
Dr Soukèye Guèye
Membre de la CNL de la Coalition JOTNA