Deux essais cliniques vont se réaliser à partir de cette semaine au Burkina Faso et au Bénin pour évaluer des candidats-médicaments pour le traitement de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19).
Baptisé « Chloraz » et dirigé par Halidou Tinto, le directeur de recherche à l’unité de recherche clinique de Nanoro (centre-ouest du Burkina Faso), le premier essai se fera en collaboration avec le Centre Muraz de Bobo-Dioulasso et les Centres hospitaliers universitaires (CHU) de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso, deux villes qui sont les principaux foyers de l’infection au Burkina Faso.
Selon les explications de Halidou Tinto, il est prévu le recrutement de 30 premiers patients dès ce 6 avril. Un groupe sera testé avec la chloroquine et un autre avec la chloroquine associée à l’azithromycine. En clair, l’essai va concerner essentiellement les cas simples ; mais la chloroquine et l’azithromycine seront administrées systématiquement aux cas graves.
“Certains malades confirmés de la COVID-19 ont déjà eu recours avec succès à Apivirine. Ils ont tout de suite obtenu l’amélioration de leur état de santé, allant de l’amendement rapide des symptômes à la négativation du test de dépistage du coronavirus après traitement”
Alkassoum Maïga, ministre de la Recherche scientifique, Burkina Faso
« Dans le cas de la COVID-19, lorsque vous êtes dans un tableau de gravité, votre risque de mourir varie entre 70 et 80% et dans notre jargon, on parle de traitement compassionnel. C’est-à-dire que l’on peut faire usage d’un médicament dont on soupçonne qu’il sera efficace. Car, il faut faire le rapport risque-bénéfice et dans ces cas graves, le rapport est clairement en faveur de l’utilisation du médicament », explique le chercheur.
Cet essai vise à évaluer l’efficacité et la sécurité de l’utilisation de la chloroquine et de la combinaison chloroquine + azithromycine dans le traitement de la COVID-19 au Burkina Faso.
« Après les 30 premiers patients de ce groupe, si les tendances se présentent de façon positive en faveur de l’utilisation de la chloroquine, nous allons alerter l’autorité pour que des décisions soient prises », explique Halidou Tinto.
D’ores et déjà Alkassoum Maïga, le ministre de la recherche scientifique du Burkina Faso, fait savoir que si ces traitements se révèlent efficaces et bien tolérés, la même étude explorera la possibilité de conduire une détection active des contacts des patients infectés au niveau de la communauté afin d’entreprendre des traitements de ces derniers dans le but de couper la chaîne de transmission de la maladie au niveau communautaire.
Compte tenu de l’urgence et de la gravité de la situation, Halidou Tinto indique que l’analyse des données à mi-parcours sera effectuée pour connaître les tendances générales qui se dégagent de l’évaluation de ces médicaments.
Phytomédicament
Outre cet essai pour déterminer l’efficacité de la chloroquine et de l’azithromycine dans le traitement de la COVID-19, les chercheurs essayeront de répondre à la question de savoir si quelqu’un qui a déjà été infecté par la COVID-19 est protégé d’une réinfection et si oui, pendant combien de temps peut durer cette protection.
Le second essai clinique, dénommé API-COVID-19, est mené à la fois au Burkina Faso et au Bénin. Il consiste à évaluer l’efficacité clinique et virologique chez les patients atteints de la COVID-19 d’un médicament à base de plantes (phytomédicament) appelé Apivirine.
Cet essai est mené par une équipe de chercheurs de l’Institut de recherche en sciences de la santé (IRSS) dirigée par Sylvin Ouédraogo, chercheur en pharmacologie et directeur de l’IRSS. Tandis que Martial Ouédraogo, coordinateur du comité national de réponse à la pandémie de la COVID-19, en sera l’investigateur principal au Burkina Faso.
Il va être mené dans le site de confinement des malades de la COVID-19 du CHU de Ouagadougou. A en croire Grissom Tarnagda, chercheur spécialiste en essai clinique impliqué dans l’opération, cette étude va durer 8 semaines, y compris 14 jours de suivi de chaque patient.
Le chercheur affirme que tous les malades feront l’objet de l’étude, à l’exception de ceux qui seront incapables d’avaler les médicaments et de ceux qui ont des pathologies qui contre-indiqueraient le médicament.
Contrôle
Un premier contrôle est prévu sept jours après le début de l’essai. « Car, après 7 jours de traitement, l’on peut évaluer l’efficacité du médicament, à savoir la négativation à l’examen de la COVID-19 et le traitement va se poursuivre jusqu’au 14e jour où l’on fera un second contrôle », explique-t-il.
Mise au point par Valentin Agon du Bénin, l’Apivirine est un antirétroviral et un antiviral qui est efficace et utilisé depuis près de 20 ans et qui présente jusqu’à ce jour un bon profil de sécurité. Les chercheurs confirment qu’il a montré son efficacité sur plusieurs familles de virus, notamment celui du VIH/Sida, de la grippe, de la rougeole et de la poliomyélite.
« Certains malades confirmés de la COVID-19 ont déjà eu recours avec succès à Apivirine durant leur maladie. Ils ont tout de suite obtenu l’amélioration de leur état de santé allant de l’amendement rapide des symptômes à la négativation du test de dépistage du coronavirus après traitement », confirme Alkassoum Maïga.
« C’est un médicament en qui nous plaçons beaucoup d’espoirs pour qu’il puisse être une alternative face aux insuffisances que pourraient présenter la chloroquine », espère Grissoum Tarnagda.
Cette seconde étude s’inscrit en droite ligne de l’appel de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui a sollicité récemment la contribution de la médecine traditionnelle dans la recherche de traitements contre la COVID-19.
Baisse de la virémie
Les deux essais cliniques représentent une lueur d’espoir pour des centaines de malades de la COVID-19 sur le continent africain, mais aussi pour les médecins.
Martial Ouédraogo, coordonnateur national de la réponse à l’épidémie de la COVID-19 au Burkina Faso, soutient que chez les malades à qui on a donné de la chloroquine, l’on remarque une baisse sensible de la virémie au bout de quelques jours.
Il ajoute que la chloroquine, par un certain nombre de mécanismes, arrive à perturber la récupération du matériel génétique nécessaire au virus pour se produire. « Or, pendant que la chloroquine perturbe le développement du virus, l’organisme a le temps de développer des défenses pour pouvoir combattre ce virus », dit-il.
Le ministre en charge de la recherche scientifique indique que si les résultats de ces tests sont concluants, le Burkina Faso pourra produire 200 000 comprimés de chloroquine par jour en réhabilitant l’unité de production U-Pharma de l’IRSS/Centre national de recherche scientifique et technologique (CNRST).