Ancienne communauté rurale devenue commune à la faveur de l’Acte 3 de la décentralisation, Sakal (département de Louga) peine à faire face à ses nombreuses difficultés. Mais la coopération décentralisée reste un moyen par lequel cette collectivité territoriale tente de sortir la tête hors de l’eau.
Un reportage de Ababacar Khalif WÉLÉ (Correspondant)
Erigée en commune en 2014 à la faveur de l’Acte 3 de la décentralisation, Sakal, située au Nord du département de Louga, porte l’empreinte de la coopération décentralisée. Pauvre en ressources naturelles, cette collectivité territoriale polarise 133 villages. Mais elle ne dispose ni de cours d’eau, ni d’ouverture sur l’océan ou d’un bras de fleuve. Pour les jeunes de la localité, cette situation est peu enviable. « Nous avons besoin de jouer et de se faire plaisir, mais, à cause du manque d’infrastructures très poussé, nous sommes obligés d’aller à Saint-Louis ou à Louga pour passer de bons moments », signale le maître tailleur Mangoné Dieng.
Distante de 1,5 km de la route nationale numéro 2, son économie est essentiellement basée sur l’agriculture peu rentable du fait de sa position géographique. Cette commune très enclavée est frontalière avec la région de Saint-Louis et la commune de Keur Momar Sarr, à l’Est. « Pour entrer ou sortir d’ici, ce n’est pas toujours facile. Car certains véhicules ont du mal à emprunter certaines pistes qui mènent à la localité », fait savoir Ousmane, un jeune de la localité.
Sakal enregistre, chaque année, le cumul pluviométrique le plus faible du département de Louga. Sa position géoclimatique peu enviable lui confère le statut d’une commune à faibles potentialités économiques, même si en termes de superficie, Sakal occupe 516,6 km2, soit 44% du territoire du département de Louga. Mais son accès, à l’exception de la bretelle longue de 1,5 km qui la relie à la Nationale 2, toutes les autres voies qui mènent vers la commune sont des pistes sableuses inaccessibles aux véhicules légers.
La coopération internationale à la rescousse de Sakal
Toutefois, malgré la faiblesse de ressources et un tissu économique quasi inexistant, Sakal a trouvé un palliatif à travers la coopération décentralisée. « Nous ne bénéficions pas assez des programmes de l’État du Sénégal et avons toujours eu des difficultés à faire face à certains besoins d’investissement qui butent sur les maigres moyens de la commune », explique l’adjoint au maire, Omar Sarr. Il ajoute que la coopération internationale intervient « de façon régulière et significative » dans certains secteurs de la vie des populations. « Avec la coopération internationale, la commune parvient à faire face à beaucoup de difficultés liées à l’équipement des infrastructures scolaires et sanitaires », informe-t-il.
La coopération entre Sakal et les deux villes françaises (Argenta et Malemort) est née respectivement en 2002 et en 2003. Ces deux villes françaises interviennent de façon régulière en faveur des populations de Sakal, notamment dans l’équipement des écoles, l’allègement des travaux des femmes avec des moulins offerts régulièrement, la participation à des programmes d’adduction d’eau potable, l’appui en médicament pour les structures sanitaires, entre autres.
Plus explicite, Omar Sarr, l’adjoint au maire de Sakal, révèle que « dans leurs démarches, les villes françaises partenaires offrent 1 euro par an à chaque citoyen de Sakal et dont le cumul permet de faire de grandes réalisations ». C’est ce qui explique d’ailleurs que pour l’allègement des travaux des femmes, le ratio de moulins à mil est passé d’un moulin pour quinze villages à un moulin pour trois villages.
Mieux, avec l’apport régulier et constant de la coopération internationale, le lycée de Sakal est baptisé « Lycée René Teulade » du nom de l’ancien maire d’Argenta et ancien ministre des Affaires sociales et de l’Intégration de la France pour son apport au plan scolaire.
À cela s’ajoute l’apport des émigrés ressortissants de la localité qui, organisés en association, contribuent à l’amélioration des conditions de vie des populations en parfaite entente avec l’institution municipale de Sakal.
Un passé inséparable de la colonisation
La création de la commune de Sakal est fortement liée à la colonisation française au Sénégal. Située dans la partie nord du département de Louga, Sakal n’était pas connue de la liste des villages de l’époque. « Jusqu’en 1750, le village de Sakal n’existait pas et le site qu’il occupe aujourd’hui était un vaste espace désert et inoccupé », renseigne Mor Talla Samba, communicateur traditionnel et historien de la localité.
Cet espace, qui appartenait à un vaste ensemble appelé Thiol composé des villages de Gandiole, de Mpal, de Mbattar, de Thiagnaldé, entre autres, était sous le contrôle d’Amary Ngoné Sobel alors Damel du Cayor.
C’est en 1888 qu’un nommé Babacar Ndiaré, ayant quitté son village de Diakha Loum à la recherche de terres cultivables, a découvert ce site propice à l’agriculture et a choisi de s’y installer pour « se servir d’une partie de l’espace (Sakk en wolof) ». D’où l’origine du nom du village qui commençait à recevoir ses premiers occupants.
Mais la fin de la résistance contre la colonisation allait marquer un tournant important dans la vie de la future commune. Car, informe Mor Talla Samb, beaucoup d’occupants qui ont eu vent de la construction de la ligne ferroviaire reliant Dakar et Saint-Louis ont quitté les lieux et sont retournés à leurs anciens villages sous le prétexte d’une menace contre leurs valeurs traditionnelles et leur religion.
BIRAHIM DIAGNE, MAIRE DE SAKAL
« Le département n’a fait aucun investissement dans la commune »
Le Maire de Sakal, Birahim Diagne, ne cache pas sa désolation devant la situation de la commune qu’il dirige depuis 2014. « La commune de Sakal est le parent pauvre de l’Acte 3 de la décentralisation, car le département n’a fait aucun investissement à Sakal », se désole l’édile de la commune pour qui aucun investissement n’a été fait dans la zone par les autorités, à l’exception du centre de santé en cours de construction et financé par l’Agence française de développement (Afd).
Birahim Diagne ne manque pas de s’interroger sur l’absence d’investissement de l’État dans la commune qui, pourtant, selon lui, a toujours affiché sa volonté de se développer. « Tout ce que nous obtenons ici, c’est avec la coopération décentralisée et les ressortissants de Sakal qui financent les programmes d’adduction d’eau, la construction des cases de santé et l’équipement des établissements scolaires », révèle le maire de Sakal, qui ajoute qu’avec leurs propres moyens, les populations tentent de se développer. « Seulement notre maigre budget ne nous permet pas de faire de grandes réalisations », regrette le maire.