Dans un rapport, l’ONG dénonce l’attribution non transparente de licences de pêche à des navires industriels étrangers qui en profiteraient pour surexploiter les ressources halieutiques sénégalaises.
Depuis un abri construit sur la plage de Kayar, ville de pêcheurs à 50 kilomètres de Dakar, Assane Sarry regarde les pirogues parties pêcher au loin. « Les poissons se raréfient de plus en plus. Pageots, espadons, yaboy… On ne les voit quasiment plus », commente l’homme qui part en mer depuis trente-deux ans.
Président de la commission de gestion des ressources du conseil local de la pêche artisanale de Kayar, il partage un verre de thé avec d’autres pêcheurs aussi las que lui de cette diminution des ressources dans les eaux sénégalaises. « C’est [la faute de] la pêche industrielle ! », s’exclame Mor Mbengue, membre de la Plate-forme des acteurs de la pêche artisanale du Sénégal (Papas).
« Depuis 2012, les licences de pêche sont gelées par le gouvernement pour faire face à la raréfaction des ressources halieutiques. Pourtant, des bateaux industriels, souvent chinois, continuent d’en obtenir et nous les voyons amasser des tonnes de poissons dans les eaux sénégalaises », constate, furieux, le militant pour l’environnement qui dénonce un manque de transparence.
Le Gaipes (Groupement des armateurs et industriels de la pêche au Sénégal) déplore pour sa part « l’introduction illégale de dizaines de navires dans la flotte sénégalaise. » Rassemblés au sein de la coalition nationale contre l’octroi des licences illégales, tous ont adressé en mai une lettre ouverte au président de la République, Macky Sall, pour dénoncer les demandes de licence de cinquante-deux navires étrangers qui « ciblent des ressources pleinement exploitées et surexploitées comme les espèces pélagiques côtières ou les espèces de fonds comme le merlu. »
Des « sociétés-écrans sénégalaises »
Le nombre de requêtes atteint « un chiffre record », selon Greenpeace, qui vient de publier un rapport intitulé « Mal de mer : pendant que l’Afrique de l’Ouest est verrouillée par le Covid-19, ses eaux restent ouvertes au pillage », que Le Monde Afrique a pu consulter en exclusivité. L’ONG internationale y confirme que des licences de pêches ont bien été attribuées le 17 avril à quatre bateaux nommés Fu Yuan Yu, « en dépit des affirmations du ministère de la pêche selon lesquelles aucune nouvelle licence n’avait été octroyée ».